TOUT EST DIT

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mercredi 29 décembre 2010

Après le réchauffement, la rigueur de l'hiver divise les scientifiques

Phénomène naturel, conséquence du réchauffement, baisse de l'activité solaire ou hasard du climat : les pistes d'explication se multiplient.

Le paradoxe saute aux yeux : déjà, trois épisodes neigeux cet hiver en France ; le paradoxe fait aussi frémir : la France connaît son mois de décembre le plus froid depuis quarante ans. Pas de doute, en plein réchauffement climatique, les hivers se font de plus en plus rigoureux, dans l'Hexagone et sur l'ensemble de l'Europe du Nord, depuis deux-trois ans. Après s'être divisés sur les causes du réchauffement climatique, les scientifiques rivalisent désormais pour expliquer cette vague de froid. Pour certains, comme le professeur David King, ancien conseiller du gouvernement britannique entre 2000 et 2007, la récurrence de ces hivers froids serait liée à un phénomène météorologique local appelé oscillation nord-atlantique.
En raison de la différence de pression entre l'anticyclone des Açores et la dépression islandaise, ce phénomène de va-et-vient de masses d'air entre les régions arctiques et la ceinture subtropicale connaîtrait deux phases. L'une, positive et caractérisée par une forte différence de pression entre les Açores et l'Islande, serait marquée par une forte récurrence de tempêtes hivernales violentes apportant la chaleur de l'océan à la moitié nord de l'Europe occidentale et donnant des hivers humides et doux. L'autre phase, négative quand la différence de pression est faible, générerait des tempêtes hivernales moins nombreuses et surtout moins intenses, conduisant l'air chaud plus au sud vers le bassin méditerranéen et permettant, du même coup, à l'air froid du nord et de l'est de descendre vers l'Europe du Nord. Il s'agirait alors d'un phénomène cyclique, assez aléatoire et difficile à prévoir.
Hasard et chaos
D'autres scientifiques y voient, quant à eux, une marque sournoise du réchauffement climatique global. Ainsi, dans une étude publiée en novembre dernier dans la revue scientifique Journal of Geophysical Research, des chercheurs des universités allemandes de Potsdam et de Kiel, dirigés par Vladimir Petoukhov, pointent du doigt la fonte de la calotte glaciaire arctique, réduite de 20 % au cours des 30 dernières années. Le contraste entre une mer devenue plus chaude que l'air ambiant dans la zone polaire générerait une pression qui pousserait l'air polaire dans le sens inverse des aiguilles d'une montre vers l'Europe du Nord. Un phénomène qui, selon Vladimir Petoukhov, multiplierait par trois la probabilité d'avoir des hivers extrêmes en Europe, mais aussi dans le nord de l'Asie.
Une autre piste ouverte par l'équipe du professeur Mike Lockwood, de l'université de Reading en Angleterre, lierait, pour sa part, la rigueur des hivers à une baisse de l'activité du soleil. Celle-ci perturberait le jet-stream polaire, un courant d'air aérien très puissant qui balaye l'hémisphère nord à grande vitesse entre 6 et 15 kilomètres d'altitude, séparant les masses polaires d'air froid des masses chaudes tropicales. Celui-ci serait bloqué et adopterait un parcours en "S" permettant à l'air froid du pôle de descendre vers le sud et empêchant l'air chaud de remonter vers le nord. Pour autant, le mécanisme reliant l'activité solaire aux modifications de la trajectoire du jet-stream demeure encore inconnu.
Pour Hervé Le Treut, climatologue français membre de l'Académie des sciences, il convient donc de se garder de toute explication hâtive. "Ce ne sont que des pistes et, surtout, il ne faut pas oublier qu'une très grande partie de ce qui se passe à nos latitudes est due au hasard, les mouvements de l'air étant un peu chaotiques, reconnaît-il. Ce qu'on appelle changement climatique, c'est le guidage de ces processus aléatoires sur des périodes longues de 10, 20, 30 ou 40 ans qu'il convient de bien distinguer des épisodes tels que celui que nous venons de vivre en Europe du Nord." Pas si simple pour le commun des mortels qui grelotte et pourrait bien être séduit par les sirènes des climato-sceptiques.

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