Une délégation de chefs d'État de la région a demandé au président ivoirien de céder le pouvoir.
Avant même cet entretien, Laurent Gbagbo avait clairement laissé entendre qu'il ne céderait sur rien, même à ses pairs. Ce voyage apparaît plus comme une concession faite aux pays de la région les plus réticents à l'idée d'une intervention armée qu'une réelle médiation. Une réunion des chefs d'état-major de la région a d'ailleurs déjà été convoquée au Nigeria. Elle doit jeter les bases de l'intervention militaire africaine, pour l'instant encore très floue. La date de l'éventuelle arrivée des Casques blancs n'a pas été fixée, pas plus que leur composition. Mais le Nigeria, la grande puissance régionale qui devrait fournir l'essentiel des soldats, semble déterminé.
Les médiateurs désignés pour se rendre mardi à Abidjan démontrent cependant que la Cédéao n'abandonne pas totalement la diplomatie. Les trois leaders ont des références démocratiques incontestables et quelques atouts. Le Béninois Boni Yayi passe pour être proche de Laurent Gbagbo et de son épouse Simone. Pedro Pires, à la tête du Cap-Vert lusophone, est pour sa part en lien direct avec l'Angola, l'un des très rares soutiens internationaux affichés du président autoproclamé. Ernest Koroma, président de Sierra Leone, n'ignore rien des dégâts que peut provoquer une intervention africaine dans un pays. Les diplomates espèrent aussi que l'éventualité d'une intervention armée pourrait finir par créer des fissures dans l'entourage de Laurent Gbagbo, particulièrement au sein de l'armée ivoirienne.
Les chefs d'État ont enfin l'avantage de diriger des États dont peu de ressortissants sont présents en Côte d'Ivoire. Car, si Laurent Gbagbo se montre en façade courtois, dans son entourage, le ton se fait nettement moins mesuré et plus menaçant vis-à-vis des immigrés africains. Des menaces qui, dans un pays où près de 36 % de la population est étrangère, portent.
«On craint des représailles»
Ainsi, depuis trois jours, la Radio Télévision ivoirienne (RTI) diffuse des reportages sur les communautés étrangères, laissant entendre que «trois millions de Burkinabés pourraient être forcés de quitter la Côte d'Ivoire». Le quotidien Notre voie, proche de la mouvance Gbagbo, est plus accusateur encore contre les homologues de leur favori : «Comme naguère, les Africains ont vendu leurs frères aux Européens, ils sont prêts à tuer les Africains pour faire plaisir à Sarkozy, le néocolonialiste. » Charles Blé Goudé, ministre de la Jeunesse de Gbagbo, a cependant annoncé le report d'une manifestation pro-Gbagbo à mercredi.À Treichville, un quartier d'Abidjan, la communauté nigériane s'inquiète. Devant la vitrine d'un magasin bardé d'affiches de films nigérians «made in Nollywood», John, 28 ans, dit être désormais très prudent. «On craint des représailles si des soldats nigérians viennent. Il y a déjà des gens qui nous arrêtent pour nous dire qu'ils savent qui on est, où on habite. Cela effraie.» Son énorme masse posée sur un minuscule tabouret, Anthony s'agace en anglais : «Pourquoi le Nigeria se mêle de ça ? C'est très mauvais pour notre business, pour nous. À la fin, c'est nous, les petites gens, qui allons payer les problèmes politiques.»
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