TOUT EST DIT

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vendredi 12 novembre 2010

TVA « sociale » ou « anti-délocalisation » : inefficace !

La TVA sociale est revenue sur le devant de la scène économique sous la dénomination TVA « anti-délocalisation ». On est prié de trouver -grâce à cet élégant habillage de princesse- cette mesure intéressante pour l'emploi, mais surtout sans y réfléchir. Réfléchissons-y, au contraire, et c'est ce à quoi je vous invite, en essayant de placer ce thème dans un ensemble plus vaste comprenant la politique fiscale et son équilibre, la compétition internationale, la compétitivité.

Le but réel de la TVA sociale.
Je ne partage pas l'enthousiasme sur la création de nouvelles taxes alors que la tendance actuelle est à la baisse des impôts sur le revenu  des personnes physiques comme des personnes morales, à la dénonciation sans action des paradis fiscaux si utiles pour échapper à l'impôt, au maintien de nombreuses niches fiscales, et à la diffusion  progressive d'une propagande présentant comme mesure de justice fiscale le troc "bouclier fiscal" contre "suppression de l'ISF". Le but réel de la hausse de TVA, de la taxe carbone ou de la taxe, dont on parlé un moment, sur les pique-niques, est uniquement de prélever plus de taxes pour compenser ce qu'on accepte de ne pas collecter ailleurs.
L'efficacité improbable de la TVA "anti délocalisation"
Nous avons déjà la CSG qui a été présentée, en son temps, comme une mesure permettant d'améliorer la compétitivité de nos entreprises. L'efficacité sur ce point n'est pas criante.
La TVA sociale permettant de baisser les cotisations, on délocaliserait moins ? Même à 0% de charges sociales, les salaires français resteront supérieurs à ceux de la Chine. Pour atteindre la parité, il faudrait aussi baisser les salaires en France et augmenter le temps de travail. Qui veut tenter l'expérience ?
Et avec l'euro fort -il a atteint les 1,60$ et est aujourd'hui à 1,39$- l'impact d'une baisse de coût du travail est balayé en quelques semaines.
Si on veut pénaliser l'importation, soyons clairs, ce qui est efficace, c'est le droit de douane. Et comme les délocalisateurs produisent pour le marché européen, en pénalisant l'importation on pénalise les délocalisateurs. Il est certain que le choix de la barrière douanière a des inconvénients car elle conduit évidemment à des représailles. Mais il ne faut pas se leurrer : si la TVA sociale avait aussi cette efficacité, elle aurait les mêmes conséquences. On ne le craint pas : c'est parce qu'elle n'a aucun impact sérieux sur les échanges internationaux. Nous avions une TVA à 17,6%, elle est passé à 18,6%, puis à 20,6% pour revenir à 19,6%. Existe-t-il une corrélation statistique entre le déséquilibre extérieur et ces taux ?
Le choix : une fiscalité d'ancien Régime ou une fiscalité moderne ?
La taxe frappe fortement les bas revenus ; elle égratigne à peine les hauts revenus. Voilà le fond du sujet. Souhaitons-nous, à la commission économie, promouvoir une fiscalité d'Ancien Régime ou promouvoir une fiscalité moderne, par laquelle l'état demande à chaque citoyen de contribuer en fonction de ses capacités et pour laquelle l'état met en œuvre tous les moyens nécessaires pour que nul ne puisse échapper sans risque à son devoir de contribuer ?
Certains journaux ont tendance à plaindre les pauvres contribuables aisés. Pourtant, quand les gros contribuables bénéficient de l'appui de la République c'est pour de gros enjeux ! Par exemple, si l'héritière Bettencourt obtient gain de cause devant les tribunaux dans son affaire de captation d'héritage, la justice de la République lui rendra un service proportionnel à la fortune et aux revenus qui servent de bases aux déclarations de la famille.
Alourdir la TVA, c'est compenser le bouclier fiscal et le reste des avantages fiscaux par une taxe qui frappera surtout ceux qui épargnent peu faute de revenus. C'est agir contre la justice fiscale. C'est à l'opposé d'un projet humaniste.
Le coût salarial n'est que l'une des composante de la compétitivité
Pour terminer, je crois que c'est à tort qu'on se focalise sur les charges salariales comme source de non compétitivité nationale. Ce qui compte, c'est la valeur de la production. A-t-on oublié que l'un des intérêts des investissements productifs est de permettre une augmentation du niveau de vie des salariés ? Peut-on ensuite leur reprocher sans être incohérent des salaires (immédiats et différés) trop hauts ? Il me semble aussi que de nombreuses sociétés fixent parmi leurs objectifs stratégiques celui d'un dividende minimal. Dans ces conditions-là, il faut considérer que les rémunérations des actionnaires sont, au même titre que les charges salariales, une composante directe du coût de revient de la production et qu'elles ont un impact sur la compétitivité de l'entreprise.
Conclusion
La TVA est une part des prélèvements fiscaux et sociaux et cet ensemble est le facteur initial de l'équilibre budgétaire et du maintien des prestations sociales. Tout cela a un impact sur la compétitivité, sur les échanges extérieurs, sur l'ensemble de l'économie et de la société.  Pour un économiste, étudier isolement le projet de la dilater la TVA ou, à l'inverse, celui de la dégonfler n'est pas plus sage que, pour un garagiste, vouloir modifier la largeur d'un pneu de voiture pour avoir plus d'adhérence, sans tenir compte ni de la jante, ni du passage de roue, ni de l'impact du changement sur la direction du véhicule.
Il n'y a pas qu'un pneu sur une voiture.
Il faut penser système, pas composante.

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