Angela Merkel a raison : « Le plus grand danger qui nous menace est le protectionnisme. » Le spectre d'une fermeture des frontières comme cela s'était passé en 1930, conduisant au résultat que l'on sait, a été repoussé depuis le début de la crise, il y a deux ans. Mais il réapparaît.
Le site Global Trade Alert (GTA), édité par le think tank britannique CEPR (Center for Economic Policy Research) relève que les mesures protectionnistes ont été écartées pour l'essentiel, mais note « une accélération » depuis l'été. Environ 120 décisions de défenses commerciales sont prises chaque trimestre dans le monde, note le 8 e rapport du site publié avant Séoul, dont 111 l'ont été par les membres du G20 depuis le dernier sommet de Toronto, en juin. Les dernières (des aides pour promouvoir des composants) sont le fait de… l'hôte coréen. Dans la liste de ceux qui ont mis en place des mesures protectionnistes depuis deux ans, le rapport du GTA désigne le Vietnam (926 mesures), le Kazakhstan (723), la Chine (160), la Russie (85 mesures), le Brésil (32) mais aussi… l'Allemagne (35 mesures). La chancelière ferait bien de faire son propre ménage.
Protectionnisme rampant mais encore limité ? Les ministres des Finances du G20, qui s'étaient préréunis il y a quinze jours à Séoul, avaient promis de ne pas engager de « guerre des monnaies ». Mais la Chine s'est moquée du monde en annonçant une micro-réévaluation du renminbi cette semaine, afin de faire glisser les critiques à ce sujet, et les Etats-Unis ont grossièrement manqué à leur parole en optant pour une politique monétaire qui fera franchement baisser le dollar.
L'engagement du G20 en faveur de la coopération et du refus de mettre en place des politiques qui affectent les autres est à suivre avec beaucoup de crainte puisque plus la crise dure, plus ses dégâts sont favorables aux thèses protectionnistes. Les percées des droites extrêmes en Europe ou le récent succès du Tea Party américain témoignent de la difficulté croissante des gouvernements à éviter d'engager ces « protections » que réclament les partis populistes. Dans les pays en développement, la politique américaine apparaît pour ce qu'elle est, égoïste. La tentation est dès lors forte de « faire pareil » et de bloquer tel ou tel investissement, tel ou tel produit. En Europe et en Amérique, les classes moyennes sont de plus en plus atteintes dans leur niveau de vie. La cause protectionniste se répand. En France, une hausse de la TVA est promue désormais par une majorité au sein des partis de droite ou de gauche comme une façon légitime de défendre notre modèle social. L'idée d'établir des normes environnementales aux frontières européennes proposées, par exemple par Nicolas Sarkozy, va dans le même sens.
Il devient objectivement de plus en plus difficile de résister à ces pressions. On pourrait se rassurer en se disant qu'il faut tenir bon pendant l'hiver de la crise mais que, vite, les causes profondes vont s'effacer. Mais il n'en est rien. Le grand déséquilibre, l'origine de tout, entre les Etats-Unis et la Chine recommence à se creuser. Le déficit américain a été réduit de moitié en 2009 mais il remontera à près de 500 milliards de dollars (3,2 % du PIB) en 2010. L'excédent chinois repart de plus belle, + 35 % sur un an, à près de 300 milliards de dollars (4,7 % du PIB). Les efforts de Barack Obama et les plans de Hu Jintao pour « changer de modèle économique », consommer moins et épargner plus pour l'un, faire l'inverse pour l'autre, n'ont pas d'effet. Le monde va dans le mauvais sens, trop de déséquilibre, trop de liquidités. Si rien n'est fait, les protectionnistes emporteront la partie par une guerre des monnaies, par des relèvements des droits de douane ou par d'autres voies. A commencer par les républicains américains…
C'est à l'Europe de parler fort et d'expliquer que les faux-semblants ne sont plus de mise. La mondialisation n'est pas en péril mais partout, de plus en plus, certains spéculent avec succès sur ses méfaits. L'Amérique devrait vite agir pour éteindre les incendies que provoque sa politique monétaire et rassurer. La Chine devrait entendre que le populisme est aux portes en Occident. Pékin devra choisir : ou réévaluer sérieusement le renminbi, ou voir ses clients relever certains droits de douane. Ou désarmer son nationalisme industriel qui barre de plus en plus brutalement la route aux groupes étrangers, ou voir s'appliquer des « mesures réciproques ». A l'Europe de sonner l'alarme et de prendre la tête du G18 contre le G2.
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