mercredi 10 novembre 2010
Retraites : les dix changements clefs
Validée mardi par le Conseil constitutionnel, la loi de réforme des retraites a été promulguée quelques heures plus tard. Les premiers effets se feront sentir dès le 1 er juillet 2011. Age de départ, durée de cotisation, surcote : les conséquences clefs d'une réforme historique qui concerne tous les assurés.
Qu'on l'applaudisse ou qu'on la fustige, c'est une des réformes les plus importantes du système de retraite français. Elle vient d'être validée par le Conseil constitutionnel (lire page 5) et promulguée dans la foulée par le président de la République. En décalant de deux ans l'âge du départ pour tous les assurés, dans le privé comme dans la fonction publique, Nicolas Sarkozy a remis en cause l'une des principales réformes du premier septennat de François Mitterrand, la retraite à 60 ans. Rappel, en dix points, des principales modifications apportées par la loi, qui produiront leurs effets dès le 1 er juillet prochain. C'est la mesure phare de la réforme, celle qui concerne le plus d'assurés. L'âge d'ouverture des droits à la retraite, fixé à 60 ans depuis 1982, va être relevé à 62 ans d'ici à 2018, au rythme de quatre mois par génération. Autrement dit, la règle générale stipule que personne ne pourra prendre sa retraite avant cet âge-là. Les premiers concernés par la réforme sont les assurés nés à partir du 1 er juillet 1951 (voir graphique). Les effets seront massifs, les deux tiers des assurés partant aujourd'hui à 60 ans ou avant.
Les dérogations resteront cependant nombreuses : chaque année, 160.000 assurés (sur 700.000 départs annuels) pourront continuer à prendre leur retraite à 60 ans ou plus tôt au titre de la pénibilité, des carrières longues, des catégories actives de la fonction publique ou des régimes spéciaux (lire plus loin). D'autres ne seront pas affectés par le relèvement des bornes d'âge, parce qu'ils auraient de toute façon été obligés de partir après 60 ans, même sans réforme, faute de disposer d'une durée de cotisation suffisante. Ainsi, un assuré qui a commencé à travailler dans les années 1960 à 21 ans devra cotiser 41,5 ans pour bénéficier d'une pension à taux plein, ce qui l'aurait amené au-delà de 62 ans même avec la réglementation actuelle. Sauf à partir au prix d'une décote.
L'âge du taux plein, ou d'annulation de la décote, va progressivement passer de 65 à 67 ans, au même rythme que l'âge d'ouverture des droits, entre 2016 et 2023. Il s'agit de l'âge auquel on peut toucher une pension à taux plein quelle que soit la durée cotisée, c'est-à-dire sans décote. Cela n'empêche pas le montant de cette pension d'être calculé au prorata du nombre de trimestres cotisés.
La réforme de 2010 confirme le principe de celle de 2003. La durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein continuera à progresser en fonction des gains d'espérance de vie à 60 ans : les deux tiers de ces gains vont à l'allongement de la durée d'assurance et le tiers restant à l'accroissement de la durée de la retraite. Actuellement fixée à 40,5 ans, la durée nécessaire passera à 41 ans en 2012, 41,25 en 2014 et devrait atteindre 41,5 ans en 2020. Rien n'est dit pour après.
Les règles ne changent pas pour la surcote et la décote, qui modulent le montant de la pension selon que l'on part plus ou moins tard à la retraite. Les deux mécanismes seront donc décalés de deux ans avec les bornes d'âge, ce qui aura des conséquences sur le niveau des pensions.
A partir de 62 ans (au lieu de 60 aujourd'hui), les assurés qui prolongent leur activité au-delà de la durée de cotisation nécessaire bénéficieront d'une surcote de 1,25 % par trimestre. Autrement dit, un salarié qui a la durée de cotisation requise et qui décide de travailler un an au-delà du nouvel âge légal de 62 ans, jusqu'à 63 ans, améliorera le montant de sa pension de 5 % (1,25 % multiplié par quatre trimestres). Avec les règles actuelles, il aurait bénéficié d'un « bonus » de 15 % en partant au même âge (douze trimestres de surcote entre 60 et 63 ans).
Même raisonnement pour la décote : un assuré qui prend sa retraite sans avoir cotisé suffisamment verra sa pension amputée d'un certain pourcentage selon le nombre de trimestres manquants. Le barème reste inchangé, mais il faudra désormais attendre 67 ans pour voir cette décote annulée quelle que soit la durée cotisée, au lieu de 65 ans aujourd'hui.
La réforme prolonge le dispositif des « carrières longues », mis en place en 2003. Il permet aux assurés qui ont commencé à travailler jeune de partir avant l'âge légal, à condition d'avoir cotisé deux ans de plus que les autres. Le dispositif est élargi aux personnes qui ont démarré à 17 ans -il s'arrêtait à 16 ans auparavant -, mais les âges de départ sont progressivement décalés. Ce sera 58 ou 59 ans pour les assurés qui ont commencé leur activité professionnelle à 14 ou 15 ans, et 60 pour ceux qui ont commencé à 16 ou 17 ans.
Les salariés justifiant d'un taux d'incapacité de 20 % à la suite d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail pourront continuer à partir à la retraite à 60 ans. Ils toucheront une pension à taux plein quel que soit le nombre de trimestres cotisés. Concession parlementaire : les salariés (et les agriculteurs) ayant un taux d'incapacité compris entre 10 % et 20 % pourront aussi saisir une commission qui devra établir « le lien de cause à effet entre l'incapacité reconnue et l'exposition à un facteur de pénibilité ». Si cette double mesure crée un nouveau droit pour les salariés, les syndicats le jugent inadapté. Ils ont réclamé, sans succès, une prise en compte des effets différés de la pénibilité sur l'espérance de vie (travail de nuit, exposition aux produits toxiques…). A l'inverse, satisfait que le sujet soit circonscrit à un examen individuel du salarié et à une incapacité avérée, le patronat a accepté sans sourciller le financement (sur cotisation patronale) par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécurité sociale.
La mise en oeuvre du dispositif reste floue. La composition et le fonctionnement de la commission interdisciplinaire restent à préciser et un décret indiquera le nombre d'années minimum pendant lesquelles le salarié devra avoir été exposé aux facteurs de risque professionnel. Au total, le dispositif devrait concerner de 20.000 à 30.000 personnes par an, estime le gouvernement.
Pour les mères de trois enfants nées avant 1956, l'âge d'annulation de la décote restera bloqué à 65 ans. Quelque 130.000 femmes sont concernées par cette mesure transitoire, qui satisfait, notamment, une partie de la majorité parlementaire.
Les fonctionnaires vont devoir mettre la main à la poche. Leur taux de cotisation salariale, aujourd'hui fixé à 7,85 %, va être aligné sur celui du privé (10,55 %) d'ici à 2020. La hausse sera linéaire, de 0,27 point par an, à compter de l'année prochaine. Cet alignement représentera pour les agents, en moyenne, une hausse de cotisation de 6 euros par mois chaque année (4 euros pour les agents de catégorie C, 5 euros pour les B et 7 euros pour les A).
Le texte aligne également sur le privé les conditions requises pour bénéficier du minimum garanti de retraite : les agents devront désormais avoir tous leurs trimestres ou atteindre l'âge du départ à taux plein. Le montant de ce minimum (1.067 euros), plus élevé que dans le privé, reste inchangé. La réforme acte aussi et surtout la fin des possibilités de départ anticipé après 15 ans de service pour les mères de trois enfants, un dispositif très prisé des infirmières et des enseignantes.
Enfin les 900.000 fonctionnaires en « catégorie active » qui bénéficient de départs à 50 ans (Police nationale, contrôleurs aériens…) ou 55 ans (pompiers, douaniers…) verront ces âges de départ décalés à 52 et 57 ans.
Concernés, pas concernés ? La réponse est intermédiaire. Les salariés de la SNCF, de la RATP ou encore d'EDF ne verront pas leur âge légal de départ relevé à partir du 1 er juillet 2011, comme ce sera le cas pour tous les autres. D'autres modifications des règles prévues par la réforme de 2008 sont en effet en cours de mise en oeuvre jusqu'en 2016 (montée en charge des surcotes et décotes, durée de cotisation relevée à 41 ans, etc.). A terme, néanmoins, les différents âges d'ouverture des droits, qui varient de 50 ans pour les conducteurs de train ou de métro à 55 ou 60 ans pour les autres catégories de salariés, seront bien décalés de deux ans à partir de 2017, au même rythme que celui imposé aux salariés du privé et aux fonctionnaires (soit quatre mois par génération). Mais cela doit être confirmé par un décret, dont le contenu n'a pas été dévoilé, ce qui inquiète les syndicats.
Pour corriger les inégalités de pension entre hommes et femmes, il faut corriger les inégalités de carrière, et non pas créer des exceptions à la réforme des retraites. Tel a été le cap qu'a tenu le gouvernement. Sous les feux de la critique, il a durci le dispositif de pénalisation financière censé s'attaquer au coeur du problème dans les entreprises. Au départ, ne devaient être soumis à l'amende que les employeurs qui n'auraient pas fait le rapport de situation comparée exigé chaque année par le Code du travail. Au final, il faudra avoir négocié un accord ou, à défaut, élaboré un plan d'action pour réduire les inégalités pour l'éviter. Faute de quoi, l'entreprise devra payer une amende de 1 % de sa masse salariale, a annoncé Eric Woerth, le ministre du Travail. En fait, ce pourcentage est un plafond. Est-ce un progrès ? Non, si l'on prend la lettre de la loi de 2006, qui imposait d'arriver à l'égalité salariale d'ici à la fin de 2010. Oui, dans la mesure où l'obligation était dépourvue de sanctions, rendant cette épée de Damoclès purement virtuelle.
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