C'est entendu, les quatre sommets du G20 réunis depuis deux ans ont pu éviter le pire et, parfois même, orchestrer le meilleur. Ils ont permis de relancer la croissance à coup de perfusions financières massives. D'éviter, contrairement aux grandes crises précédentes, le poison fatal du protectionnisme. De reconsolider l'épine dorsale bancaire de l'économie. De redonner aussi au Fonds monétaire international (FMI) un pouvoir et une représentation plus en phase avec son libellé.
Et pourtant, il y a, aujourd'hui, un gros malaise. Le nouveau G20, qui s'ouvre demain à Séoul, ne semble pas devoir accoucher de décisions collectives majeures ni même porter un volontarisme consensuel très crédible. Pour tout dire, il paraît s'inscrire sur la trajectoire déclinante des G20 issus de la première crise économique mondiale du siècle.
À Washington, en novembre 2008, les dirigeants du monde jouaient sur les grandes orgues de l'antifatalisme : plus jamais ça ! À Londres, en avril 2009, c'était la mise en musique, partielle mais réelle, de ces grandes résolutions : haro sur les paradis fiscaux, les hedge funds, le laxisme des banques ! Et puis à Pittsburg, en septembre 2009, pas grand chose. Et finalement, à Toronto, en juin 2010, patatras, quasiment rien.
Résumons : sous la violence du choc de la crise, on était prêt à tout pour sauver collectivement sa peau et même à « refonder le capitalisme », disait Sarkozy. Mais, deux ans plus tard, que reste-t-il ? D'abord, des chantiers inaboutis. La régulation financière avance cahin-caha. Les hedge funds, extraordinaires accélérateurs de crise, échappent toujours aux contrôles des gendarmes du marché; les agences de notation continuent à exercer un pouvoir exorbitant de service public sans en avoir la légitimité; les paradis fiscaux ont plus que de beaux restes.
Ensuite, c'est le grand retour du chacun-pour-soi. Favorisé, sinon exacerbé, par les difficultés domestiques des grands de ce monde ¯ Obama, Merkel, Sarkozy ¯ il vient d'être illustré avec éclat par le président américain. Ce dernier ne s'est embarrassé d'aucun scrupule pour injecter, sans sommation, 600 milliards de dollars dans les tuyaux de l'économie. En prenant le risque de fragiliser les pays émergents, de dévaluer le dollar, de renforcer l'euro, de brider une croissance européenne déjà bien flagada.
Ce retour aux égoïsmes nationaux rime très souvent avec loi du plus fort, en l'occurrence des deux plus forts. Car le G20 a une forte tendance à dériver, aujourd'hui, vers un G2 conflictuel, Chine-États-Unis. Ce n'est une bonne nouvelle pour personne. D'autant que les duettistes ont choisi le même terrain d'hostilité : la guerre des changes et des monnaies. Dont on sait que la première victime toute désignée s'appelle l'euro. Victime de l'impuissance des autorités européennes ¯ politiques et monétaires ¯ autant que des agressions extérieures.
Sans doute faut-il faire la part de la dramaturgie préalable à tout G20. Pour autant, la forte intensité polémique du moment, l'individualisme grandissant des pays et les incompatibilités du duo sino-américain augurent mal des « actions concertées et coordonnées » que la France appelle de ses voeux. Elles indiqueraient plutôt que la présidence française du G20, qui s'ouvre après Séoul, s'annonce très difficile. D'autant que Nicolas Sarkozy a placé la barre très haut en s'attaquant à la réforme du système monétaire international. La montagne parait inaccessible.
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