TOUT EST DIT

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lundi 18 octobre 2010

Les visées européennes de Moscou


Émerger. En chinois, en turc ou en brésilien, c'est le maître-mot des années 2010. En Russe, on préfère parler de modernisation. Un mot cher à Dmitri Medvedev, le président réformateur qui, par petites touches, a modifié depuis deux ans le style du Kremlin au point de faire presque oublier (presque seulement) les raideurs du président musclé, Vladimir Poutine.

La crise est passée par là, bien sûr. Le monde n'est plus tout à fait comme avant. La Russie non plus. Finie la ligne antagoniste entretenue par Poutine, qui faisait de la Russie une forteresse assiégée. Finie la rhétorique de l'ancien empire humilié par la chute du Mur de Berlin et l'avancée si tranquille des troupes de l'Otan à travers les plaines d'Europe centrale. La crise géorgienne de l'été 2008 a permis de stopper ce cycle. De geler les visées atlantiques de Tbilissi et de Kiev. Sans conséquences ni dommages pour Moscou.

Aussi, la détente recherchée, et apparemment trouvée, par Obama avec la Russie, au nom de sujets supérieurement menaçants (Afghanistan, Iran), a-t-elle redonné corps à la vocation européenne du géant russe. On ne vit pas éternellement de gaz et de missiles nucléaires. Moscou a besoin d'investissements étrangers, de partenaires industriels. C'est tout logiquement vers Berlin, d'abord, et Paris, ensuite, qu'elle se tourne.

Pas à pas, depuis deux ans, le Kremlin est sorti de sa posture d'assiégé pour retisser son réseau d'influence dans son proche voisinage. Une inédite cordialité anime les rapports avec la Pologne. Les affaires vont bon train à Prague et Bucarest. L'Ukraine a de nouveau un président sensible à la langue de Pouchkine. Dans ces pays qui, du temps de George W. Bush, étaient autant de pions résolument atlantistes, on ne parle désormais plus aussi explicitement de menace russe. Même si elle est encore ressentie.

C'est dans ce contexte que le président russe arrive à Deauville. Moscou entend être partie prenante des nouveaux équilibres en Europe. Sur le plan économique et politique, mais aussi stratégique et militaire. C'est pour en parler directement que Dmitri Medvedev, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se retrouvent cet après-midi.

Medvedev demande un traité européen de sécurité. Le président français préfère parler d'un nouveau pacte de sécurité. La Chancelière, centrale dans tout dispositif éventuel et surtout incontournable sur le plan économique, veut dire son mot. L'ennemi d'hier est un partenaire. Peut-il devenir un allié ? Sur une carte géographique, Paris, Berlin et Moscou font bonne figure, comme autant de colonnes d'une sécurité continentale.

Dans les faits, toutefois, l'articulation entre l'option atlantique (concrète et actuelle) de la grande majorité des Européens et l'implication (encore à définir) de la Russie sur les questions de sécurité est un point ultrasensible. Ce sera l'un des enjeux du sommet de l'Otan à Lisbonne, le mois prochain. On y parlera notamment du projet de bouclier antimissile à l'échelle européenne. Paris émet des réserves à ce propos. Surtout, la France, en négociant avec Moscou la vente de navires Mistral, juste après avoir fêté son plein retour dans les structures intégrées de l'Otan, a pu troubler ses partenaires.

Attachée à sa propre force de dissuasion, la France veut concilier son engagement atlantique et contribuer à asseoir la vocation européenne de la Russie. C'est le voeu de beaucoup, mais l'exercice est complexe. Très apprécié, en tous les cas, à Moscou.

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