Feignant de louer l'éthique de la finance chariah-compatible , les pontes des marchés regardent avec gourmandise les juteux pétrodollars à même de solder leur dette sans vexer Bruxelles. Exemple au raout de la finance islamique organisé par l'université Paris Dauphine.
Sous la haute voûte empire de la Bourse de Paris, où se prélassent des Grâces de stuc portant le code des Marchés, les élèves attentifs et financiers fixent un écran sur lequel est projeté un diaporama sobre. Son titre : «Paris, le nouveau centre de la finance islamique en Europe.» Pour cette conférence inaugurale du nouveau diplôme de Finance islamique de l'université Paris-Dauphine, consultants, professeurs et politiques sont venus louer l'économie compatible avec la chariah.
Une filière plus que prometteuse en ces temps de crise car, en plus de revendiquer une posture éthique du plus bel effet auprès du grand public, elle donne accès aux réserves cyclopéennes de pétrodollars des pays du Golfe !
La panacée du lendemain de crise ? Loin de là...
Et du cabinet Baker and McKenzie à Paris Europlace, les gens sérieux se pressaient à la tribune. Entre experts, il est de bon ton de commencer son intervention par : «la finance islamique est-elle la panacée ?» Contrairement aux exposés dithyrambiques qui l'on élevée en 2008 en solution absolue aux déboires du capitalisme occidental, il se trouve que non !
«La finance islamique court les mêmes risques que la finance traditionnelle, assurait Patrick Rochette, cadre de la Bank of London and the Middle East, spécialisé dans ce type de gestion. Avec la crise, elle a également été frappée : du fait de son manque de diversification, du fait de la crise de liquidité... Son vrai atout, ce sont les outils de contrôle qui permettent d'anticiper les risques.» Une qualité, certes, à laquelle s'ajoutent l'interdiction de l'usure et le refus de financer certains secteurs, entre autres. Mais ce ne sont pas ces qualités qui font vibrer les financiers.
Des montagnes d'or noir inodores au nez de Bruxelles
Gilles Saint Marc, président de la Commission pour la finance islamique de Paris Europlace n'y va pas par quatre chemin : «la première raison de choisir la finance islamique est pragmatique : elle permet de mobiliser les fonds massifs du Golfe.» Au moment de la crise de 2008, contraint à l'endettement massif par l'effondrement de l'économie par contagion de la crise financière, les financiers du globe ont découvert un mot arabe magique : «sukuk».
Sur le principe, les Etats du Golfe peuvent émettre des sukuks pour entériner l'injection d'argent frais et «prendre participation» dans n'importe quelle affaire compatible avec les principes de la chariah : construction d'infrastructure, renflouement d'une entreprise... Mais là où l'émission de bonds du trésor font froncer les yeux à Bruxelles qui les ajoutent à la dette, les sukuks, assimilés à des «titres de propriétés», ne tombent pas sous le coup des critères de Maastricht : de la dette mais sans la dette !
Dès 2008, l'AMF a donc émis une notice pour ce type de produit financier dont Christine Lagarde est devenue fan du jour au lendemain. «Financement immobilier, relance du private equity... les sukuks seront vraiment l'avenir de la finance !», s'enthousiasme Marc Mariani, partenaire chez Baker and McKenzie.
De General electric au Grand Paris : tout le monde en veut !
Si ce type de financement n'a pas dépassé les 2 milliards de dollars en Europe depuis 2004, Elyes Jouini, responsable du nouveau diplôme de Dauphine en la matière, évaluait le potentiel à 120 milliards d'euros juste pour la France à l'horizon 2020... «La finance islamique est bienvenue à Paris,» est venu clamer Christian Sautter, maire adjoint en charge du développement économique de la capital, énumérant les projets de logements à l'horizon 2012. Impressionné par l'exposé d'un banquier venu de Dubaï, l'ancien ministre des Finances lui avait amicalement tapé sur l'épaule en l'invitant : «venez donc financer le Grand Paris !»
Mais dans toutes les bouches, la prophétie venait des Amériques : annoncé fin octobre, le premier sukuk américain de plus de 500 millions de dollars contracté par General electric faisait rêver les experts réunis au Palais Brognard. «Il faut que nous puissions ponter au delà des 500 millions de dollars pour atteindre une taille critique», soutenait l'un d'eux fièvreusement.
Les observateurs apprécieront la diversification : après avoir financé le terrorisme international, les théocraties pétrolières du Golfe vont désormais solder les errements de la finance occidentale. Des millions, des milliards de pétrodollars retombant en pluie fine sans affoler Bruxelles... Pragmatique, un étudiant applaudit la fin de la conférence : «malgré tous les discours sur l'éthique, s'il n'y avait pas eu l'argent du Golfe, personne ne se serait intéressé à la finance islamique !»
jeudi 19 novembre 2009
Finance islamique : la ruée vers l'or noir !
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