En Europe comme aux Etats-Unis, les usines commencent à tourner un peu mieux. La demande mondiale remonte doucement et les industriels ferment des sites. Mais les surcapacités restent énormes dans certains secteurs et risquent de peser encore longtemps sur la rentabilité des entreprises.
Trop d'usines. Le monde compte beaucoup trop d'usines. Le constat qui ressort des statistiques officielles comme de ce que vivent au jour le jour les chefs d'entreprise est sans appel : avec la récession, l'industrie mondiale traverse une impressionnante crise de surcapacités. Au pire moment, cet été, les usines américaines n'étaient utilisées en moyenne qu'à 68 % de leurs capacités. Le plus bas niveau enregistré depuis 1967. Un score anémique par rapport au taux de 85 % atteint les très bonnes années et même par rapport à la moyenne de 81 % enregistrée au cours des trois décennies précédentes.
En octobre, ce taux est remonté à presque 71 %, a indiqué la Réserve fédérale mardi. Dans la zone euro, l'utilisation des capacités industrielles est également repartie tout doucement à la hausse, passant en un trimestre de 69,6 % à 70,7 %, selon Eurostat. Mais ces chiffres restent historiquement très faibles. Et « cela va prendre un temps assez long avant de revenir à la normale »,prédit Colin Ellis, économiste chez Daiwa Securities.
Que s'est-il passé ? Un phénomène assez classique. Pendant la période euphorique, de nombreux industriels ont lancé des investissements pour accroître leurs capacités. Objectif : répondre à une demande qui devait continuer à grimper. Mais, avec la faillite de Lehman Brothers et la récession, tout a basculé. Au moment précis où les nouvelles usines annoncées sortent de terre, voilà que la demande s'évanouit ! Le cas du transport maritime est exemplaire. Tablant sur l'essor du commerce mondial, les transporteurs ont massivement commandé de nouveaux navires. Mais le temps qu'ils soient livrés, le marché s'est retourné. Cette année, le nombre de conteneurs à transporter devrait baisser de 10 %, notait hier Eivind Kolding, le patron de Maersk Line. L'offre grimpe, la demande chute. Résultat : les tarifs ont plongé de 30 % et aucun des 25 premiers transporteurs maritimes ne gagnera d'argent cette année. La sidérurgie, les énergies renouvelables, le raffinage, l'automobile, le secteur papetier, etc., se retrouvent peu ou prou dans la même nasse. Depuis quelques mois, la situation a globalement cessé de se dégrader. D'un côté, la demande tend à remonter, notamment grâce à la fin du déstockage, aux primes à la casse dans l'automobile et au plan de relance chinois. D'autre part, les industriels les plus touchés ont bon gré mal gré réduit la voilure, en gelant les projets tant qu'il était encore temps ou en fermant carrément des sites. Hier encore, le sud-africain Assmang a par exemple annoncé l'arrêt d'une de ses unités de manganèse, « faute de demande ». Ces jours derniers, Konecranes, Outokumpu et Ford avaient tous les trois décidé dans la même logique de fermer des usines de grues, de tubes en Inox et d'automobiles, évoquant leur trop faible taux d'utilisation.
Un coût économique et politique
Ce mouvement, vertueux sur le papier, se heurte toutefois à de sérieuses limites. D'abord, fermer une usine a un coût. Economique, social, mais aussi politique. En France, le gouvernement a ainsi conditionné ses aides aux constructeurs automobiles au fait que ceux-ci ne rayent aucune usine de la carte, même si certaines d'entre elles sont pour le moment très sous-utilisées. De la même façon, peu de raffineries sont fermées définitivement, en raison notamment de la facture pour dépolluer les sols.
Ensuite, les efforts de réduction des capacités effectués en Europe ou aux Etats-Unis risquent de se révéler assez vains si d'autres installations ouvrent ailleurs. Or c'est bien ce qui se passe. Dans les pays émergents, en Chine, au Moyen-Orient, les projets continuent à fleurir. Hier, la compagnie d'Etat Qatar Petroleum a ainsi annoncé son intention de construire deux usines pétrochimiques, en Chine et au Vietnam, en association avec le groupe chinois CNOOC. Coût total : 9,8 milliards de dollars. La Chine est particulièrement montrée du doigt. « Elle investit sans compter et se met en position de déverser ses surcapacités dans le reste du monde grâce à une monnaie clairement et volontairement sous-évaluée », s'énervait il y a peu le patron de Vallourec, Philippe Crouzet (« Les Echos » du 28 septembre).
Le bilan ? Dans les pays émergents, la crise de surcapacités ne devrait modifier qu'à la marge le dispositif industriel. En revanche, « aux Etats-Unis et dans la zone euro, elle a accéléré le rythme de la désindustrialisation », constate Patrick Artus, de Natixis, dans une note toute récente. Ajoutant, peu optimiste : « Les gouvernements affichent leur volonté de réindustrialiser les économies. Mais cela va se révéler très difficile, sinon impossible. La croissance modeste attendue aux Etats-Unis et en Europe s'ajoute à l'écart de coûts de production pour accroître encore les délocalisations vers les pays émergents. »
DENIS COSNARD, Les Echos
jeudi 19 novembre 2009
L'industrie mondiale peine à résorber ses énormes surcapacités
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