L'Europe va vivre un moment historique : ce soir, elle devrait savoir qui sera son premier président. Mais à quelques heures de ce choix hautement symbolique, clef de voûte d'un traité de Lisbonne ratifié de haute lutte par chacun des vingt-sept pays membres, il est fort peu question de vision stratégique et beaucoup de calculs d'apothicaire. Même si l'on peut comprendre que la complexité institutionnelle de la construction européenne rende pour longtemps encore improbable l'élection par la voie démocratique du « George Washington de l'Europe », selon l'image de Valéry Giscard d'Estaing, rien n'aurait empêché, comme nombre de bons connaisseurs de la mécanique de l'Union l'avaient suggéré, de tenter de le faire avec un peu plus de transparence. L'idéal aurait été qu'avant que soit discuté, entre la poire et le fromage, le nom du président, il y ait eu de vrais candidats, au lieu de simples pressentis, et qu'ils aient pu, sinon faire campagne, du moins être auditionnés publiquement. Le fait de vouloir, à juste titre, des personnalités occupant des postes de haut niveau dans leurs pays, limitait probablement les marges de manoeuvre pour un tel exercice.
Il y a, au fond, plus grave. C'est la tentation, qui semble se confirmer au fur et à mesure que l'échéance se rapproche, de désigner un président du Conseil européen sur le même modèle que celui de la Commission : un conciliateur, un « facilitateur », un monsieur pas de vagues. Un anti-Tony Blair pour tout dire. Entre ses positions sur la guerre d'Irak et l'opposition pulsionnelle des Anglais à l'intégration européenne, l'ancien Premier ministre britannique cumule apparemment trop de handicaps pour lui permettre de satisfaire son vieux rêve. Ce ne doit pas être l'alibi pour mettre à sa place un second José Manuel Barroso. Fort peu loquace sur le profil attendu du futur « président de l'Europe », le traité oblige celui qui occupera le poste à inventer, en large partie, sa fonction. Ce rôle d'« installateur » nécessite une certaine aura personnelle, qui s'acquiert rarement par le seul art de dégager du consensus. Par ailleurs, l'un des principaux problèmes de l'Europe réside dans sa manière désastreuse de s'adresser à ceux qu'elle représente, et plus encore de leur faire partager ses grandes options politiques. Pour être capable de dresser à l'issue de chaque Conseil européen l'équivalent d'un discours sur la situation et les orientations de l'Union, sans qu'il soit recouvert par les interventions parallèles des chefs d'Etat, le président devra avoir un tempérament de leader plus que de technocrate. Enfin, on sait que l'innovation institutionnelle de Lisbonne avait pour but de répondre à la fameuse objection d'Henry Kissinger : « L'Europe, quel numéro de téléphone ? » Ce sera le cas si ce numéro, le reste du monde éprouve vraiment envie de le faire.
jeudi 19 novembre 2009
Les habits du président EUROPÉEN
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