Les progrès de la science et l’élévation du niveau de l’instruction n’ont pas vaincu la crédulité, contrairement à certains espoirs nés des Lumières. Elle menace toujours de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, un dictateur pour un philanthrope, un démagogue pour un sauveur, un Trissotin pour un génie.
Elle trouble même les esprits les plus riches, leur faisant juger inapplicables des solutions accessibles, et possibles des idées saugrenues. Un sociologue, Gérald Bronner (1), soutient que la production gigantesque et sans cesse croissante d’informations invérifiables sur l’Internet et leur accès immédiat et universel permettent aux croyances, les plus bizarres parfois, de se répandre en épidémie et de s’ancrer dans bien des esprits.
Notre actualité est riche de ces erreurs de perspective, de ces hagiographies infondées, de ces condamnations expéditives. Ni Dieu ni Diable, Hugo Chavez est un tribun populiste qui finançait ses généreuses idées par la manne pétrolière, mais sans construire une économie solide capable de garantir une durable redistribution.
Stéphane Hessel était un honnête homme et un esprit brillant, mais rien dans sa vie ni son oeuvre ne le désigne pour entrer au Panthéon ou pour la béatification.
Marcela Iacub n’est ni un monstre ni une sorcière, mais une intellectuelle à la pensée riche et paradoxale. Que certains illuminés imaginent une Terre plate ne gêne pas grand monde. Que d’autres croient que les autorités américaines ont piégé les tours du World Trade Center inquiète davantage, et en dit long sur l’altération du jugement que provoque un aveuglement idéologique. D’autant qu’ils pourront nourrir leur suspicion à partir de véritables opérations de désinformation, comme les fausses preuves de l’existence des armes de destruction massive en Irak.
La persistance de la crise en Europe ouvre des boulevards aux démagogues et aux manipulateurs. Qu’ils entrent dans les parlements ou fassent descendre des foules dans la rue, ils sapent progressivement les fondements de la démocratie en s’appuyant sur notre fâcheuse et très ancienne propension à la crédulité.
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