La Grèce est restée samedi engluée dans une crise politique menaçant son maintien dans la zone euro, après le refus du leader de la droite d'oeuvrer à un gouvernement de coalition aux conditions posées par le Premier ministre pourtant prêt à passer la main.
Après avoir arraché dans la nuit la confiance au Parlement, avec le seul soutien de 153 députés socialistes, soit huit voix d'avance, le Premier ministre Georges Papandréou a fait entrer dans le jeu le chef de l'Etat, Carolos Papoulias, auquel il a présenté sa proposition d'un exécutif de transition et de consensus.
Après une nouvelle rebuffade opposée par son rival conservateur Antonis Samaras, M. Papandréou a fait un pas de plus en demandant à M. Papoulias de convoquer les chefs de partis pour les forcer à discuter. Le président recevra M. Samaras dimanche à 11H00 GMT.
Mais aucune convergence de vues n'apparaît entre les deux grands partis grecs au terme de cette cinquième journée du psychodrame politique à rebondissements vécu par les Grecs quasiment en direct à la télévision. Le point d'achoppement reste la réticence de M. Samaras à soutenir les mesures de rigueur dictées par les bailleurs de fonds du pays.
Contesté au sein de ses troupes et confrontée à la fronde de la rue, M. Papandréou n'a accepté de préparer sa sortie que pour permettre un "gouvernement de coopération" qui puisse mettre en oeuvre d'ici au début 2012 le plan européen de désendettement adopté fin octobre à Bruxelles, "condition pour que nous restions dans l'euro".
"L'absence d'un consensus risquerait d'inquiéter nos partenaires européens sur notre volonté de rester dans l'euro", a-t-il mis en garde.
Son porte-parole, Ilias Mossialos, a ensuite stipulé pour la première fois que la Grèce était dans l'obligation de ratifier au parlement "avant fin 2011" le plan de la zone euro, car ses partenaires "n'attendront pas" davantage.
M. Mossialos a aussi reproché à M. Samaras de vouloir "opérer un tri entre ce que nos partenaires nous donnent et ce qu'ils nous demandent", et de vouloir "l'argent européen et la baisse de la dette mais sans partager la responsabilité (...) pour les mesures difficiles qui en découlent".
M. Samaras avait de fait dénoncé plus tôt l'exigence de M. Papandréou qu'il soutienne "avec le plan de Bruxelles, les nouvelles mesures d'austérité". Mais il a souligné "accepter les objectifs de convergence et les réformes structurelles" conditionnant le soutien européen à la Grèce même s'il refuse de "donner un chèque en blanc" en vue de nouveaux sacrifices.
Il a réitéré sa contre-proposition d'organiser des élections anticipées début décembre, y voyant la garantie d'un "retour du pays à la normale".
Une exigence rejetée par M. Papandréou, qui s'efforce de calmer la panique déclenchée en Grèce et dans la zone euro par son projet, entre-temps retiré, de référendum sur le plan européen.
Cette partie de ping-pong risque toutefois de vite lasser partenaires et créditeurs européens. Après s'être laborieusement entendu sur une formule permettant à la Grèce d'effacer un tiers de sa dette et de débloquer de nouveaux soutiens de 130 milliards d'euros en sus des prêts de 110 milliards consentis en mai 2010, ils attendent d'Athènes un strict respect de ses engagements.
D'autant que la Grèce négocie, pour garder la tête hors de l'eau, le déblocage d'ici fin février d'un premier soutien massif de 80 milliards dans le cadre de l'accord de Bruxelles, comme l'a rappelé le ministre des Finances, Evangélos Vénizélos qui doit participer au conseil de l'Eurogroupe prévu lundi à Bruxelles.
A sa sortie du bureau de M. Papoulias, M. Papandréou s'est d'ailleurs entretenu avec ce ministre-clé et ex-rival malheureux, que des médias grecs citent comme un candidat possible à la direction d'un nouvel exécutif. Il a également convoqué une réunion ministérielle pour dimanche dans la soirée.
Selon M. Papandréou, le mandat d'un gouvernement de consensus sera de sauver le pays de la faillite et de l'ancrer dans l'euro en sécurisant aussi d'ici au 15 décembre le versement d'une tranche vitale (8 milliards d'euros) de prêts européens.
Samedi, seules deux petites formations de droite dissidentes de la Nouvelle Démocratie -le parti d'extrême droite Laos de Georges Karatzaferis et l'Alliance démocratique de la libérale Dora Bakoyanni- s'affirmaient prêtes à jouer le jeu, avec un renfort potentiel d'une vingtaine de députés mais un capital de légitimation politique réduit.
"Prenez Papandreou, prenez Samaras ce sera pareil", estimait dans la matinée le retraité Takis Haralambos, en faisant ses courses aux halles d'Athènes. Selon lui, M. Samaras ferait mieux d'ignorer le consensus, car "ce n'est pas lui qui a signé les accords avec Merkel et Sarkozy".
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