TOUT EST DIT

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mardi 27 septembre 2011

L’hypothèque grecque

Bien des raisons militent en faveur d’un retrait de la Grèce de la zone monétaire européenne alors que l’opinion dominante est de tout faire pour l’y maintenir. Ce paradoxe illustre le malentendu qui mine la construction européenne depuis 35 ans. A force de vouloir regrouper, dans un ensemble ingérable à force de compromis et de concessions, des Etats aux performances hétérogènes, on a fini par bloquer le fonctionnement de l’Union.
L’Europe ne résoudra pas la crise de l’euro en forçant sur sa mécanique défaillante. Sans politique budgétaire intégrée, il n’est pas de contrôle possible des déficits dans un ensemble aussi disparate que sa zone monétaire.
Tout le monde ou presque s’est assis sur le pacte de stabilité monétaire et, quand la nécessité s’est imposée, un voile pudique a été jeté sur l’indépendance de la BCE. Le plus drôle est qu’un nouveau pacte se concocte dans les institutions européennes alors que le problème est ailleurs et que, suprême humiliation, l’Europe se fait donner des leçons par ceux qui ont disséminé le virus des subprimes dans tous les actifs de la planète. Rien ne marche, mais on persiste dans l’erreur comme si on voulait forcer le destin de l’Europe.
L’erreur, justement, c’est la Grèce, Etat défaillant et corrompu, bénéficiaire d’une aide qui n’en finit pas de s’allonger. Si on isole son cas du contexte politique européen, l’assistance qui lui est accordée est injustifiable pour deux raisons majeures :
•  Les contraintes imposées sont trop fortes et le gouvernement grec est  politiquement et techniquement incapable de prendre les mesures correspondantes.
•  L’aide européenne supportée à titre principal par la France et l’Allemagne repose sur un engagement de dépenses qui, compte tenu de l’état de leurs comptes publics, sera financé par l’emprunt. Comment expliquer au contribuable français qu’il devra  en assumer la charge pour 30 milliards d'euros (sans les intérêts) pour soutenir un Etat qui compte près d’un fonctionnaire sur quatre actifs et dont les entreprises sont redevables au fisc d’une somme d’un montant identique?
Nos autorités agissent comme si elles redoutaient moins les réactions des contribuables qu’un éclatement de l’Europe, attitude qui ne s’explique que par la pression exercée par les marchés sur lesquels se financent les dettes souveraines et pour lesquels une solution fédérale s’impose. Ceux qui en rêvent ne manquent pas d’idées : des euro-obligations pour mutualiser la dette, voilà qui fait solidaire ; un gouvernement économique européen, cela paraît être du pur bon sens ! A ceci prêt que toutes ces généreuses solutions impliquent des transferts de souveraineté dont on ferait bien de mesurer les conséquences. Au détour de la crise, renaît la tentation de recourir à une intégration dont, faut-il le redire, les peuples ne veulent pas parce qu’ils ne n’entendent pas se dissoudre dans une identité européenne diluée par l’extension hâtive de son périmètre.
Alors que faire ? Le recours à la vieille boutade du bon père Queuille selon laquelle « il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne saurait résoudre » conduirait la Grèce à sortir d’elle-même de la zone monétaire puisque, incapable de satisfaire aux exigences du plan de soutien d’une part, et les marchés financiers en euros lui étant devenus inaccessibles d’autre part, elle devra rétablir la drachme avant de procéder à une sévère dévaluation. Certes, les créanciers en seront pour leur frais, le système financier grec souffrira, mais les Grecs devront affronter des réalités dont ils sont seuls responsables avant de retrouver la confiance des investisseurs. Hélas, cela ne se fera pas sans perturbations sociales et politiques.
Pourtant, ce parti pris énergique est loin d’être aussi désastreux qu’on pourrait le croire.
•  La crainte d’une crise systémique est exagérée. Si on peut être certain de l’incapacité de la Grèce à tenir ses engagements, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande ou le Portugal ne présentent pas les mêmes risques.
•  En descendant les marches de la zone monétaire, la Grèce ne se retrouvera pas à la rue. Elle ne sera pas jetée à la porte de l’Union européenne et continuera d’émarger à ses différents fonds structurels.
•  Les détenteurs de la dette grecque sont à 80% des établissements financiers européens et non de petits épargnants, ce qui relativise les sacrifices à consentir.
•  Ceux qui prétendent que l’euro ne s’en remettra pas ne sont pas crédibles. Au contraire, ce précédent conduira les Etats les plus endettés à prendre les mesures adéquates car aucun d’entre eux n’a intérêt à quitter la zone monétaire en pleine crise mondiale puisque les dévaluations dans un contexte d’échange déprimé sont peu productives. La discipline budgétaire des Etats s’en trouvera donc renforcée sans avoir à céder aux sirènes du fédéralisme.
•  L’hémorragie alimentée par les plans de soutien successifs – on en est à 219 milliards d'euros pour les seuls Grecs - sera enfin stoppée au grand soulagement du contribuable. Il nous coûtera moins cher de refinancer nos banques les plus exposées à la dette grecque, que de jeter l’argent dans la mer Egée.
Enfin, l’évènement d’un retrait grec de la zone euro imposera le constat qu’une Europe mal bâtie n’a pas d’avenir. L’actualité est suffisamment démonstrative pour que se posent les vraies questions et que s’ouvrent des débats accessibles aux peuples d’Europe. La démocratie y trouvera mieux son compte. Claude Valleix, préfet honoraire

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