TOUT EST DIT

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mardi 27 septembre 2011

L’euro court à sa perte

Dans leurs négociations avec le FMI, les gouvernements européens se sont engagés à prendre “toutes les mesures nécessaires” pour empêcher un effondrement de la zone euro. Mais comme le souligne le prix Nobel d'économie Paul Krugman, jusqu’à présent, ils n’ont fait que fragiliser la monnaie unique. 

Est-il possible d’avoir peur et de s’ennuyer en même temps ? C’est ce que m’inspirent les négociations en cours sur les moyens de réagir à la crise économique en Europe, un sentiment dont je me dis qu’il doit être partagé par d’autres observateurs.
D’un côté, l’Europe est dans une situation vraiment, vraiment effrayante : un tiers des pays de la zone euro étant désormais visés par des attaques spéculatives, c’est l’existence même de la monnaie unique qui se trouve menacée – et un effondrement de l’euro pourrait infliger de terribles dégâts dans le monde entier.
De l’autre, les décideurs européens semblent disposés à s’enferrer dans la voie qu’ils se sont tracée. Ils vont probablement réussir à offrir plus de crédits aux pays en difficulté, ce qui pourrait ou non dissiper le spectre d’un désastre imminent. En revanche, ils ne semblent pas prêts du tout à admettre un fait essentiel – à savoir que sans davantage de politiques fiscales et monétaires expansionnistes dans les économies européennes plus solides, tous leurs efforts seront vains. 
[…]

L'austérité ne peut pas fonctionner pour tout le monde

Alors, que faire ? La réponse de l’Europe [à la crise économique et fiscale et à la chute de la confiance des investisseurs dans les obligations des nations périphériques] a été d’appeler les débiteurs en difficulté à une austérité fiscale sans merci, en particulier à des coupes sombres dans les dépenses publiques, tout en colmatant les brèches financières jusqu’au retour de la confiance des investisseurs privés. Cette stratégie peut-elle fonctionner ?
Pas pour la Grèce qui, en fait, s’est montrée prodigue quand la conjecture était positive, et qui doit plus qu’elle n’est logiquement en mesure de payer. Probablement pas pour l’Irlande et le Portugal qui, pour des raisons différentes, sont eux aussi lourdement endettés. Mais avec un environnement extérieur favorable – plus précisément, avec une économie européenne robuste et une inflation modérée – , l’Espagne, fortement endettée, mais qui présente des déficits étonnamment modestes, pourrait peut-être s’en tirer.
Malheureusement, les responsables européens semblent décidés à priver ces débiteurs de l’environnement dont ils ont besoin. Considérez la chose sous l’angle suivant : la demande privée dans les pays débiteurs a plongé avec la fin du boom financé par la dette. Pendant ce temps, les dépenses du secteur public sont brutalement réduites dans le cadre de programmes d’austérité. Donc, d’où sont censés venir les emplois et la croissance ? Des exportations, principalement vers d’autres pays d’Europe, c’est la seule solution.
Mais les exportations ne repartiront pas à la hausse si dans le même temps les pays créditeurs mettent en place des politiques d'austérité, risquant fort de plonger l'ensemble de l'Europe dans la récession.En outre, les pays endettés doivent réduire les prix et les coûts par rapport à des pays créditeurs comme l'Allemagne, ce qui ne serait pas trop difficile si cette dernière avait 3 ou 4 % d'inflation, permettant aux débiteurs de remonter la pente avec une inflation faible ou nulle.

Relever les taux d'intérêt, l'erreur de la BCE

Mais la Banque centrale européenne (BCE) tend à privilégier la déflation – elle a commis une grave erreur en relevant les taux d'intérêt en 2008 au moment même où la crise financière prenait de l'ampleur, puis a montré qu'elle n'avait pas retenu la leçon en refaisant la même erreur cette année.
Résultat, les marchés s'attendent maintenant à une très faible inflation en Allemagne – environ 1 % sur les cinq prochaines années – , ce qui entraînera une importante déflation dans les pays débiteurs. Cela va se traduire à la fois par un ralentissement accru de leur activité et par une augmentation du fardeau réel de leurs dettes, si bien que les tentatives de sauvetage seront plus ou moins vouées à l'échec.
Et je n'ai pas l'impression que les responsables politiques européens soient prêts à renoncer à leur orthodoxie en matière de liquidités et d'austérité.
Une partie du problème vient peut-être du fait que ces élites politiques ont une mémoire historique sélective. Elles n'aiment rien tant que d'évoquer l'inflation allemande du début des années 20, un épisode qui n'a guère de rapports avec la situation actuelle.
En revanche, elles ne parlent presque jamais d'un exemple bien plus pertinent : les politiques de Heinrich Brüning, chancelier allemand entre 1930 et 1932, qui par son acharnement à équilibrer les budgets et à préserver l'étalon-or a rendu la Crise de 29 encore pire en Allemagne que dans le reste de l'Europe – préparant ainsi le terrain à ce que vous savez.
Cela étant, je ne m'attends pas à ce qu'une telle catastrophe survienne dans l'Europe du XXIe siècle. Mais il y a un fossé très important entre ce dont l'euro a besoin pour survivre et ce que les dirigeants européens sont prêts à faire, ou même parlent de faire. Et ce fossé n'incite guère à l'optimisme.

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