Fabrice Cousté de CMC Markets stigmatise l'absence de solidarité des pays de la zone euro pour sauver la Grèce. Il n'exclut pas un retour vers les plus bas de mars 2009 d'ici la fin de l'année et s'attend à une ruée vers les obligations d'État.
Fabrice Cousté - Si l'on en croit l'analyse technique on peut aller toucher les plus bas de mars 2009 voire encore plus bas. La crise que nous connaissons actuellement est en effet plus grave que celle d'il y a trois ans, car cette fois-ci il ne s'agit pas de la faillite d'une ou de plusieurs banques mais de la faillite d'un ou plusieurs États, donc des problèmes d'une toute autre ampleur, au niveau de leur résolution économique et surtout politique.
Comment expliquez-vous cette chute vertigineuse ?
Comme en 2008, les marchés financiers se sont disloqués pendant l'été. Il n'y a en ce moment que de rares acheteurs et beaucoup d'acteurs de marché profitent de tout rebond pour solder davantage de positions. Autre nouveauté : la microéconomie n'est plus un soutien. Les investisseurs ne regardent en effet plus la santé des entreprises mais uniquement les statistiques ou informations macroéconomiques. Depuis l'été, le flux de nouvelles, constamment négatives, souligne que les problèmes sont structurels et alimente un climat anxiogène sur les marchés qui sont au bord du précipice. Les dirigeants politiques ne semblent pas en être conscients.
Dès lors quelle stratégie doivent adopter les investisseurs d'ici la fin de l'année ?
Certains titres «refuge» comme Essilor, Sanofi, Air Liquide ou L'Oréal sont à garder en portefeuille. Mais la volatilité demeure élevée et le risque de nouvelle correction également. C'est pourquoi je conseille aux investisseurs particuliers de découvrir les techniques pour apprendre à couvrir leur portefeuille avec des options ou des CFD (contrat entre deux investisseurs qui se mettent d'accord pour s'échanger la différence entre le cours d'ouverture et de clôture d'un support) afin d'amortir le choc en cas de poursuite de la baisse. Dans la panique, les investisseurs particuliers vendent souvent trop tard.
L'adoption sous condition du deuxième plan d'aide à la Grèce par les Sages allemands n'est-il pas de nature à rassurer les investisseurs ?
C'est un soulagement. Pourtant il s'agit d'un «Oui… mais ». Tant qu'il y aura un «mais » dans les annonces sur la crise de la dette, les marchés financiers continueront à broyer du noir car ces conditions empiètent sur la réactivité nécessaire face à une situation d'urgence. Ils sanctionnent la politique des «petits pas» des États et de l'absence totale de solidarité au sein de la zone euro. Les marchés financiers n'exigent plus seulement des paroles d'intention mais des certitudes à long terme. Ce que les responsables politiques sont incapables de leur apporter étant donné leurs échéances à court terme.
Etes-vous inquiets pour la zone euro ?
Oui je le suis. Certes, contrairement aux Anglo-Saxons, nous ne ressentons pas au sein de la zone euro de haine contre la monnaie européenne. Maintenant si les dirigeants politiques ne prennent pas la mesure de la crise dans laquelle nous nous trouvons, une explosion de la zone euro est inévitable. Dès lors, deux scénarios seront envisageables : soit une sortie des États les plus fragiles de la zone euro comme la Grèce et par effet de contagion le Portugal, l'Espagne voir l'Italie, soit une sortie des États qui ne veulent pas payer pour les autres comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Autriche.
Du coup avec ces ventes massives d'actions, vous attendez-vous à une ruée vers les obligations d'État alors que la crise de la dette couve en Europe et aux Etats-Unis ?
Cela semble paradoxal mais oui. Les investisseurs institutionnels préféreront toujours placer leur argent sur des actifs «refuge» et surtout liquides. Pour preuve, les obligations à 10 ans des États-Unis n'ont pas du tout pâti de la dégradation du « AAA » du pays. La ruée sur les obligations d'Etat américaines a même provoqué une baisse de leur rendement à des niveaux historiques. Même constat en Allemagne et en France ou les emprunts d'États n'ont pas souffert de la crise de la dette. Cela signifie que tant que la peur domine, les obligations allemandes, françaises et américaines continueront d'être achetées. Au contraire, les actifs jugés risqués tels que les actions sont pénalisés. C'est une situation qui peut rapidement s'inverser en cas de catalyseur positif. En attendant ce déclic, les investisseurs devraient s'inspirer de la stratégie de la Chine qui continue à diversifier ses investissements entre les États-Unis, l'Europe et l'Afrique.
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