lundi 21 février 2011
Tout a changé au Moyen-Orient
Au Moyen-Orient, le « Printemps des peuples arabes » et la chute des régimes despotiques rendent la reprise du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens plus nécessaire que jamais. Mais la paix s'est-elle pour autant rapprochée ? Ce qui est certain, c'est qu'un argument utilisé hier par Israël dans ses relations avec ses alliés occidentaux ¯ « Je suis la seule démocratie de la région » ¯ sera plus difficile à mettre en avant.
En Israël, il existe une distinction claire entre les politiques au pouvoir, qui mettent en avant les risques du changement, et une société civile qui tend à regarder favorablement ce qui se produit dans le monde arabe. Pour cette dernière, les démocraties ne se font pas la guerre, et surtout les révolutions en Tunisie et en Égypte se sont produites sans aucune référence négative à Israël et aux États-Unis. Ce ne sont pas des drapeaux israéliens ou américains qui ont été brûlés dans les rues de Tunis ou du Caire, mais des portraits de Ben Ali ou de Moubarak.
Des pays arabes qui redeviendraient fiers d'eux-mêmes, qui dépasseraient leur statut d'humiliés pourraient devenir de vrais interlocuteurs pour Israël. Pour le gouvernement Netanyahou au contraire, les risques du changement l'emportent sur tout espoir de transformation démocratique. Les régimes despotiques arabes, de l'Égypte à l'Arabie Saoudite, n'étaient-ils pas les meilleurs soutiens de fait de l'Israël démocratique ? L'incertitude en Égypte risque de conduire au chaos, le chaos aux islamistes, et la prise de pouvoir par les « Frères musulmans » à la remise en cause de la paix séparée avec l'Égypte. Un nouveau front se rouvrirait pour Israël. Mieux vaut, pour la préservation du statu quo, l'ordre des despotes que l'incertitude des démocraties.
Côté Palestiniens, la chute de Moubarak a été accueillie favorablement. Le régime égyptien n'était-il pas avant tout perçu comme un allié proche d'Israël, mais surtout comme un encouragement au changement ? Face à l'inefficacité ou à la corruption de leurs dirigeants ¯ qu'il s'agisse de l'Autorité palestinienne ou du Hamas ¯ les Palestiniens savent qu'ils « méritent mieux ».
Dans ce nouveau contexte, tout devrait être possible. L'absence de paix entre Israéliens et Palestiniens est tout aussi anachronique que le « gel politique » l'était dans le monde arabe.
Tout a changé au Moyen-Orient, tant dans le rapport des forces que dans l'équilibre des émotions. Et il est un pays qui peut peser de tout son poids sur Israël pour lui faire comprendre que la nouvelle donne est exceptionnelle et que l'Histoire ne repasse pas les plats. Il s'agit évidemment des États-Unis. Barack Obama avait perdu sa première épreuve de volonté politique avec Israël. Le « printemps » arabe lui donne des cartes nouvelles.
En prenant clairement ses distances avec les despotes arabes, en mettant en accord son « Discours du Caire » de juin 2009 et ses actes politiques, le président américain cherche à dépasser la contradiction qui existait entre la poursuite de ses intérêts et celle de ses valeurs. Face à un allié égyptien devenu moins sûr, face à un Moyen-Orient en pleine transformation pour le meilleur ou pour le pire, les États-Unis ont besoin plus que jamais d'une paix entre Israéliens et Palestiniens. Sont-ils prêts à peser de tout leur poids pour l'imposer aux deux parties, et plus encore aux Israéliens ? C'est la question.
(*) Conseiller spécial à l'Ifri, Institut français des relations internationales.
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