lundi 21 février 2011
Le printemps arabe est-il arrivé ?
La révolution tunisienne est faite, la révolution égyptienne en train de se faire ; en Jordanie, en Syrie, en Algérie, les gouvernements en place jugent prudent de lâcher du lest. Tous les spécialistes décèlent dans ces mouvements synchroniques les symptômes d'une vague de fond. Et les émergents riches, eux-mêmes, observent avec inquiétude ce « printemps social » des émergents pauvres.
On connaissait déjà les données nombreuses par lesquelles on les explique aujourd'hui, mais on ne savait en prévoir ni l'ampleur ni le moment. Il se confirme maintenant pourquoi les régimes installés ne pouvaient résister à des évidences cruelles : des économies en déséquilibre structurel, dramatisé par la crise qui a renchéri les importations vivrières et industrielles au détriment des populations ; un tissu insuffisant de producteurs locaux, lié à la faiblesse des consommations inté-rieures et à la dépendance extérieure ; de là une grave carence des revenus et des offres d'emplois qualifiés, qui est entrée en collision avec la montée d'une jeunesse diplômée et de mieux en mieux informée, une démographie pressante, le spectacle de plus en plus indécent de la confiscation des richesses par les clans des corrompus en place. L'économie a réuni les explosifs, l'école et Internet ont fourni le détonateur.
Que cette explosion printanière soit arabe - ou plus exactement dans des pays musulmans -lui confère une autre originalité, et de portée peut-être historique. Depuis une dizaine de siècles et l'ostracisme qui condamna l'humaniste Ibn Ruchd (Averroès), le dogme du Coran « incréé », c'est-à-dire révélé et immuable, a été exploité par des grands ou des petits chefs pour maintenir en dépendance des populations soigneusement entretenues dans l'illettrisme et l'ignorance. La fatalité tenait lieu d'horizon, et l'acceptation, de statut. Cette cage est peut-être en train d'exploser. Bienvenue au printemps arabe.
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