En 2008, nous découvrions avec stupeur et indignation les errements d'acteurs sans scrupules dont les malversations ont plongé la planète dans une crise économique de grande ampleur. Tout a été dit ou presque sur l'avidité de certaines banques, la complaisance de quelques assureurs et l'obligeance d'agences de notation. Au-delà de ces comportements coupables, il ressort que ces dérives n'auraient jamais été rendues possibles si les autorités américaines de régulation avaient rempli leurs missions. Or, c'est précisément l'incapacité intrinsèque à prévenir, à détecter et à contrôler de tels agissements qui a plongé le monde dans cet ouragan.
Demain, nous assisterons à la généralisation des émeutes de la faim. Des crises diplomatiques internationales de haute intensité se profilent déjà, et ce sera la désolation pour les pays les plus fragiles si nous ne tirons pas d'enseignements de l'histoire récente. Le monde agricole est en ébullition et le krach est inévitable si nous ne changeons pas de posture. Le mythe de la sécurité alimentaire mondiale vole en éclats car les Etats sont incapables de résoudre la problématique de la trop forte volatilité des prix. D'aucuns voudraient nous faire croire que la hausse des hydrocarbures ou les aléas climatiques sont à l'origine de la hausse des matières premières agricoles. En réalité, les marchés agricoles à terme font l'objet de spéculations sans précédent engendrant ainsi une financiarisation des échanges qui s'affranchit en toute impunité des réalités économiques et sociales. Sur 20 transactions, 19 sont désormais strictement financières. Une seule se traduit par une livraison physique. Ajoutons à cela la raréfaction mondiale des terres à la suite de la prédation de grands fonds d'investissement et nous obtenons un cocktail mortel.
Et ce n'est pas l'Organisation mondiale du commerce, au mandat très restreint, qui pourra éviter la catastrophe annoncée. Entendons-nous bien, l'interrogation fondamentale ne porte pas sur le libéralisme proprement dit. Elle concerne un libéralisme sans contrôle et sans régulation. Dès lors, le G20 figure comme la dernière institution capable de relever le défi de la coopération internationale.
C'est précisément l'objectif de Nicolas Sarkozy de concevoir un modèle acceptable par tous. L'ambition de fédérer les parties prenantes internationales autour de pratiques concertées car s'inscrivant dans l'intérêt de l'humanité tout entière est plus qu'un défi, c'est un sacerdoce. Le trimestre qui s'ouvre est décisif pour la France. Sa capacité d'influence lors des prochaines échéances sera déterminante. Outre le Salon de l'agriculture, le Dakar agricole 2011 et, surtout, le G20 agricole s'inscrivent dans l'agenda planétaire comme des rendez-vous cruciaux pour éviter que la realpolitik ne devienne la norme. Le scénario apocalyptique de l'accroissement de la fracture agricole mondiale n'est pas une hypothèse théorique. La tentation européenne du repli sur soi, l'illusion du protectionnisme et de l'isolationnisme face aux stratégies hégémoniques des Etats-Unis et des puissances émergentes sont des menaces réelles et sérieuses. L'absence d'accord en matière de régulation signifierait assurément l'intensification d'une hypercompétition exacerbée aux conséquences autrement plus dévastatrices que la crise des « subprimes ». Penser une politique agricole mondiale et agir dans ce sens pour préserver d'ici à 2050 le futur des 9 milliards d'êtres humains, telle est la redoutable échéance du G20 agricole de juin prochain. C'est un dessein pour le destin du monde.
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