TOUT EST DIT

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mercredi 26 janvier 2011

Les racines bourgeoises de la révolution tunisienne

Il est largement possible aussi que la Tunisie soit en train de connaître la première révolution bourgeoise jamais intervenue dans le monde arabe. Un événement considérable

  La Tunisie vit une crise grave, profonde, mais peut-être porteuse. Elle est le plus petit des états d'Afrique du Nord, 163 000 KM², à peu près le double du Benelux et 10,5 millions d'habitants. Elle est l'un des 22 états membres de la Ligue des Etats Arabes.. Elle est aussi pleine de charme et de modération par le climat, par l'histoire et la culture. Elle fut un pilier majeur de dynamisme culturel et de rayonnement, de la République et de l'Empire Romain. Première terre christianisée d'Afrique, elle fut le pays de Saint Augustin et la principale source d'évangélisation catholique en Afrique. Surtout berbère à l'origine elle fut conquise par les arabes et islamisée, et fut quelques siècles une dépendance lointaine de la Sublime Porte, donc turque.
Elle passa au XIXè siècle sous protectorat français. Protectorat et non colonie comme le fut l'Algérie, cette différence explique une relativement meilleure préservation des structures sociales et des traditions locales.
Indépendante depuis1956, elle s'est donnée une constitution Républicaine et Présidentielle. Son Président Habib Bourguiba avait été le principal combattant de sa libération, qui s'est faite après quelques émeutes et de multiples incidents, mais plus vite et avec au total beaucoup moins de violence qu'en Algérie. Très occidentalisé, Bourguiba avait maintenu le caractère laïc de l'Etat et des relations notamment économiques, avec l'Occident et la France, plus intense que ne l'a fait l'Algérie.
De rares tentatives marxisantes ont échoué. La Tunisie est restée principalement un pays de libre entreprise. Cela lui a permis un développement industriel relatif que n'a pratiquement connu aucun autre pays d'Afrique ni du Moyen Orient. Elle fut ces dernières années le premier exportateur industriel d'Afrique, avant même l'Afrique du Sud et l'Egypte.
En 1987 le Président Bourguiba était devenu médicalement incapable d'assurer ses fonctions. Son Ministre de l'intérieur, Zine el Abidine Ben Ali, à peine nommé Premier Ministre obtient une déclaration médicale d'inaptitude, et dépose Habib Bourguiba puis devient Président. Ce dirigeant s'était déjà distingué par la répression qu'il conduisait contre le mouvement islamiste, et qu'il a intensifiée comme Président.
Beaucoup de citoyens tunisiens non islamistes et une large partie de l'opinion mondiale, notamment en France lui ont su gré de cette politique. Ils l'ont couverte sinon approuvée sans observer ni discuter les moyens mis en oeuvre. Or ceux-ci ont abouti à la suppression à peu près totale de toute liberté d'expression. Presse censurée, journalistes massivement emprisonnés, procès politiques nombreux, arrestations arbitraires dans tous les milieux et frappant bien au delà des islamistes, toute forme d'opposition démocratique. Le régime est devenu une pure dictature. Le Président et sa famille se sont taillés des empires dans l'économie locale, dirigeant à peu près tous les secteurs d'activité, et firent fortune.
Une véritable classe moyenne bourgeoise s'est ainsi constituée, à l'image de l'Egypte, et comme en aucun autre pays arabe sauf peut-être le Maroc
Or la politique d'industrialisation a continué. Une véritable classe moyenne bourgeoise s'est ainsi constituée, à l'image de l'Egypte, et comme en aucun autre pays arabe sauf peut-être le Maroc. La crise économique a comme ailleurs ralenti la croissance en Tunisie. Des tensions sociales se sont multipliées. La presse et le Parlement étant muselés, elles n'ont eu d'exutoire que la rue.
La police a tiré à de nombreuses reprises mais elle était faible. Le point nouveau et décisif est que l'armée a refusé de tirer sur le peuple. Ben Ali a fui en Arabie Saoudite, la France lui ayant refusé son accueil.
On a là bas rêvé quelques jours d'un gouvernement d'union nationale rassemblant le personnel de Ben Ali et toutes les formes d'opposition. Mais la rue manifestement excédée n'en a pas voulu. La décantation ne laissant subsister au pouvoir qu'une coalition des anciennes oppositions sera lente, difficile et dangereuse, car il n'y a plus de cadre institutionnel respecté.
La Tunisie est en danger. L'islamisme peut ressortir vainqueur, mais il est largement possible aussi que la Tunisie soit en train de connaître la première révolution bourgeoise jamais intervenue dans le monde arabe. C'est un événement considérable.

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