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mercredi 26 janvier 2011

Egypte : "Personne ne lâchera Moubarak"

Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche spécialiste de l'Egypte au CNRS, relativise l'ampleur des manifestations anti-Moubarak qui ont eu lieu mardi 25 janvier dans le pays. Selon lui, il serait "très étonnant" que le président égyptien connaisse le même sort que son ancien homologue tunisien, Ben Ali.

Les manifestations de mardi sont-elles réellement exceptionnelles à l'échelle de l'histoire des mouvements sociaux en Egypte ?
La mobilisation était inédite en nombre pour de telles circonstances (demander le départ du président égyptien Hosni Moubarak). Mais les mouvements de 1977 étaient beaucoup plus importants et les mobilisations sur d'autres sujets, comme la Palestine, sont aussi très fortes.
A l'échelle de l'ensemble de la population égyptienne, les manifestations de mardi sont peu importantes. Que 15 à 20 000 personnes descendent dans les rues d'une capitale qui compte 14 millions d'habitants reste avant tout symbolique.
Mais a-t-on déjà vu des revendications aussi dures envers Moubarak  ?
Ce n'est pas si nouveau. Il y a encore quelques années, le mouvement Kifaya ("assez", en arabe) arrivait à rassembler plusieurs centaines de personnes pour réclamer le départ de Moubarak. Par ailleurs, il n'est pas très étonnant que dans un régime autoritaire avec un certain nombre de problèmes sociaux il y ait des manifestations contre le chef de l'Etat.
Dans les pays démocratiques, on trouverait facilement 15 000 personnes pour demander le départ du gouvernement. A mon sens, ces manifestations ne marquent donc pas une rupture dans le régime.
Est-ce que les pays occidentaux pourraient accepter de lâcher Moubarak ?
Mais personne ne lâchera Moubarak ! La Tunisie est un petit pays, où pour l'instant les gens qui remplacent Ben Ali sont issus de l'ancien pouvoir. Il n'y pas réellement de changement de régime. En Egypte, la chute de Moubarak impliquerait l'écroulement de l'ensemble du régime.
Dans ce pays, le gouvernement et la haute administration ont l'impression de travailler pour l'intérêt de l'Egypte et non pour le chef de l'Etat, comme en Tunisie. Et l'armée soutient Moubarak. Par ailleurs, si l'ensemble du régime tombe c'est un problème pour le pays, pour la région et pour les alliés de l'Egypte.
Le président égyptien contrôle donc mieux son Etat que Ben Ali ?
La situation est sans comparaison avec la Tunisie. Moubarak n'est pas à proprement parler un dictateur, c'est un dirigeant autoritaire. Il gouverne au sein d'un Etat qui est très institutionnalisé. L'entourage de Moubarak n'est pas constitué de prédateurs et de profiteurs comme celui de Ben Ali.
Par ailleurs, Moubarak est issu de l'armée, avec qui il entretient toujours des liens très forts. Une chute de Moubarak serait donc extrêmement étonnante. Les syndicats sont contrôlés par le gouvernement et ne soutiennent pas les manifestants. Même les partis politiques d'opposition affichent un soutien modéré. Il y a donc peu de chance que les protestaires arrivent à déclencher une mobilisation massive des Egyptiens autour de leurs revendications.
Pourquoi le principal mouvement d'opposition, les Frères musulmans, ne soutient pas plus les manifestants ?
Les Frères musulmans sont très prudents et savent qu'au moindre faux pas le régime n'aura aucun problème à accentuer la répression sur eux. Deuxièmement, il n'est pas certain que les Frères musulmans aient beaucoup de sympathie pour les manifestants, qui sont avant tout des jeunes libéraux. Et troisièmement, les Frères musulmans pensent que le mouvement ne durera pas.
Comment expliquez-vous que, même si trois manifestants sont morts, la police égyptienne ait fait preuve d'une certaine retenue ?
Depuis plusieurs années, probablement sous l'influence d'une aile libérale autour de Gamal Moubarak [le fils d'Hosni Moubarak, pressenti pour le remplacer à la tête de l'Egypte], la répression des mouvements de protestation s'est adoucie. Mais cela ne veut pas dire qui si les manifestations perdurent le régime ne choisira pas de revenir aux anciennes méthodes. C'est très simple : si le régime n'est pas capable d'accroître la répression dans les manifestations, cela peut avoir un effet d'encouragement pour de nouvelles manifestations.

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