TOUT EST DIT

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jeudi 20 janvier 2011

Le défi des sociétés vieillissantes

Le premier vrai débat en France sur les sociétés vieillissantes sera celui sur la dépendance. Il est très important, car il porte à la fois sur les mécanismes de solidarité intergénérationnelle et sur les conditions de financement de celle-ci. Il est aussi exemplaire, car il nous parle de l'évolution de la protection sociale et des nouvelles contraintes de gestion d'une société telle que la nôtre dans les toutes prochaines années. Mais il ne parle que de l'un des aspects du sujet. En fait, bien d'autres débats vont apparaître, comme ce fut le cas lors du Forum de la chaire Transition économique, Transition démographique à Dauphine. Le plus évident, c'est celui du marché de l'emploi. On le sait, la France a aujourd'hui l'un des taux d'emploi des seniors les plus faibles d'Europe, avec 39 % des 55-64 ans en activité, très loin derrière la moyenne européenne, 46 %. A l'autre extrémité de la pyramide des âges, le constat est similaire, le taux d'emploi des moins de 25 ans était de 32 % fin 2008, contre 38 % dans l'Union européenne et 52 % au Royaume-Uni.

Les jeunes comme les seniors doivent évidemment faire l'objet d'actions spécifiques. Mais les politiques qui viseraient uniquement à augmenter leur taux d'emploi ne suffiront pas. A court terme, ces politiques risquent de peser négativement sur notre productivité. Les seniors sont en moyenne moins productifs et moins qualifiés que la population active, mais restent peut-être plus productifs que les jeunes actifs de moins de 30 ans. La faute au temps -obsolescence du capital humain, déficit de formation continue, peu d'opportunités de reconversion et de seconde carrière.

De même, le système éducatif français est à la traîne : il ne parvient à former que 41 % de diplômés de l'enseignement supérieur et plus de 17 % de la jeunesse française quitte le système éducatif sans diplôme. Les diplômés des écoles de commerce et des écoles d'ingénieurs ne représentent quant à eux que 4 % d'une génération. Ainsi, si la taille de la génération des 16-24 ans, qui entre aujourd'hui sur le marché du travail, est presque équivalente à celle qui part en retraite, 60 % des jeunes seulement sont suffisamment formés pour remplacer les générations sortantes. Et la politique de formation continue n'est pas à la hauteur de nos ambitions.

En fait, nos économies vieillissantes sont condamnées à repousser les frontières de la productivité. Car le défi des pays industrialisés est de continuer à créer de la richesse avec une population active quasi stagnante ou décroissante, à financer la croissance avec un capital productif dont l'évolution est incertaine -tant pour ce qui est de l'épargne que du capital humain.

Nos sociétés vieillissantes sont également condamnées à repenser les solidarités. L'allongement de l'espérance de vie crée un quatrième âge et permet la coexistence de plus de quatre générations. Mais ce progrès nous oblige à réinterroger le partage des dépenses sociales et à redéfinir le rôle de l'Etat en tant que pourvoyeur de bien-être. Les conflits intergénérationnels à venir seront d'un nouveau type : ils mettront en jeu les solidarités familiales, la cohésion nationale en faisant reposer tout le poids de l'allongement de l'espérance de vie sur les jeunes actifs. Ce qui est alors en jeu, ce sont les fondements égalitaires de notre système de protection sociale : fondé à l'origine sur l'archétype de l'homme moyen qui répondait aux exigences standards d'un appareil productif de masse, il doit aujourd'hui prendre en compte des parcours de vie plus hétérogènes, moins linéaires et une espérance de vie aux grands âges incertaine. Le départ des baby-boomeurs à la retraite transforme en urgence une évolution de long terme : réformer devient un impératif.

Demeure le problème du financement de ces politiques, dans le cadre budgétaire que l'on connaît. En matière de dépenses sociales, les plus de 60 ans captent aujourd'hui près de 20 % du PIB. En 2030, ils risquent d'en consommer près de 30 %. Peut-on se permettre d'investir autant dans des dépenses passives alors que le gain annuel de productivité de 1,2 % que nous grappillons difficilement est déjà pour une grande part totalement dédié à la vieillesse ? Car les difficultés de financement des sociétés vieillissantes sont doubles. Il leur faut assurer le financement du risque vieillesse, notamment par la formation d'une épargne longue, et en même temps celui des investissements productifs, afin de gagner les points de productivité qui nous manquent, donc la croissance absolument nécessaire pour maintenir la cohésion sociale.

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