TOUT EST DIT

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jeudi 20 janvier 2011

En Algérie, le gouvernement est déstabilisé par la révolution tunisienne

Devant faire face à une vague d’immolations par le feu, les autorités algériennes misent sur la baisse des prix des produits de base pour calmer la population qui regarde vers Tunis

 Le gouvernement algérien fait face à une vague totalement incontrôlable d’immolations par le feu depuis une semaine. Six personnes, d’âges différents, ont attenté à leur vie en se brûlant devant un bâtiment public dans le style sacrificiel du jeune Mohamed Bouazizi, de Sidi Bouzid, devenu emblématique de la révolution tunisienne.

C’est à Boukhadra, une bourgade algérienne frontalière de la Tunisie, qu’a débuté, le 15 janvier, au lendemain de la chute du président Ben Ali, cette série d’immolations, avec le geste tragique de Bouterfif Mohsen, 34 ans, sans emploi et père d’une fille. En réponse, le wali (préfet) de Tebessa a dissous le conseil communal de Boukhadra.

Une « mesurette » désemparée dans une situation des plus tendues, où la rumeur publique amplifie tous les jours le nombre des immolations par le feu. Chawki Amari, un chroniqueur satirique, a titré son article : « Le gouvernement va importer 30 millions d’extincteurs », soit approximativement la population algérienne.

"Nos dirigeants se “benalisent” un peu plus"

Si la déferlante des émeutes du début du mois – qui ont fait quatre morts, plus de 800 blessés et 1 200 arrestations – est retombée, le pays vit toujours dans une vive tension, aiguisée par l’issue victorieuse de la révolte tunisienne. « Ce qui arrive montre bien que la réponse du pouvoir aux dernières émeutes était un refus de voir la réalité du pays en face », explique Mohand Alnine, juriste et militant des droits de l’homme.

« Le gouvernement a traité la crise de janvier comme une conséquence de la hausse des prix des produits de base, poursuit-il. Il nous a “vendu” la baisse du prix de l’huile et du sucre comme la solution. Mais la crise continue. Les Algériens se suicident dans les rues. »

Le Trésor public a consenti un manque à gagner fiscal de 300 millions d’euros pour faire baisser d’environ 15 % le prix de ces deux produits de base. Pour Zoheir Oukil, universitaire, « le gouvernement sait que la situation est bien plus grave, il cherche à gagner du temps avec des mesures techniques sur les prix ».

L’autre riposte, face à la colère montante, est politique. Le wali d’Alger a interdit une marche dont la demande a été déposée pour samedi 22 janvier par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Or, le parti du docteur Sadi a décidé de maintenir son mot d’ordre. « Ceux qui attendaient l’esquisse d’un geste vers une ouverture après ce qui est arrivé en Tunisie sont désarçonnés, explique Fouad Belmekki, militant pour le changement démocratique. Nos dirigeants font l’inverse, ils se “benalisent” un peu plus ».

L’accès à Facebook est devenu lent

Un syndicaliste contestataire de la direction de l’UGTA – centrale syndicale sous contrôle du pouvoir –, Mohamed Badaoui, a été arrêté sur la base d’un texto envoyé pour saluer la victoire du peuple tunisien et souhaiter une évolution similaire en Algérie. Il a été mis sous contrôle judiciaire après une vive réaction du mouvement syndical. L’accès à Facebook est devenu lent. Les SMS sont fréquemment bloqués. Et les menaces de répression deviennent précises pour les militants qui appellent à suivre l’exemple tunisien.

L’ancien premier ministre, démissionnaire sous Bouteflika, Ahmed Benbitour a appelé au rassemblement de toutes les initiatives pour le changement. « Nous savons que nous devons lâcher du lest, mais cela ne doit pas se faire sous la pression des événements de Tunisie », rapporte une source proche du DRS, le bras sécuritaire et politique de l’armée.

Dans un tel contexte, il reste au pouvoir algérien à jouer de ses excédents financiers pour inonder le pays d’importations subventionnées, comme celles de blé tendre. Et à regarder vers sa frontière pour bien s’assurer que la révolution tunisienne n’essaime pas trop vite.

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