TOUT EST DIT

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mardi 18 janvier 2011

La question nationale

Avec le talent qu'on lui connaît, Jean-Pierre Chevènement s'interroge, dans son dernier ouvrage, sur l'avenir de la France. Plus exactement, sa réflexion porte sur la nation française comme illustration particulière de l'idée de nation. Son analyse développe un syllogisme aux apparences robustes : la nation est la seule communauté historique d'appartenance des peuples, or elle est le siège des procédures démocratiques, donc sa mise en cause par toute instance supranationale est une menace pour la démocratie. Connaissant le long combat de Chevènement contre la construction européenne depuis son origine, on aura reconnu dans ce syllogisme une nouvelle pique contre l'Europe actuelle.

Même les partisans les plus convaincus de la cause européenne reconnaîtront qu'il y a quelques fondements dans cette critique. Il n'est que de mesurer la montée des prurits identitaires dans de nombreux pays d'Europe pour constater que la cause nationale, pour ne pas dire nationaliste, est vivace. Mais cela justifie-t-il une stratégie de retour à la nation comme réponse à l'angoisse des peuples ? Rien n'est moins sûr. Et ce pour au moins trois raisons. D'abord parce que la première proposition du syllogisme chevènementiste est erronée. La nation n'est pas la seule communauté historique ; c'est même une construction assez récente qui s'est répandue au XIX e siècle, en surplombant des régions, des ethnies, des religions, des cultures diverses. Ensuite, il n'est pas écrit que toute structure supranationale soit antidémocratique. Si les dirigeants nationaux consentaient à faire vivre plus activement le Parlement européen, les opinions n'en seraient sans doute pas là. Enfin et surtout, la question de l'échelle de la puissance nécessaire pour compter dans le monde qui vient est encore plus forte aujourd'hui face à la Chine qu'elle ne l'était en 1950 face à l'Union soviétique. On peut certes légitimement soutenir que l'Union européenne ne défend pas assez énergiquement ses intérêts ; mais laisser entendre que la nation française y pourvoirait mieux, c'est installer une nouvelle ligne Maginot.

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