Ce sont des images surgies des années 70. Des images d'un passé que l'on croyait révolu. Des images troublantes parce qu'elles montrent une révolte que l'on croyait dépassée. Un refus que l'on avait fini par oublier.
Ce qui est déroutant, c'est que, de ce côté-ci du Rhin, l'opposition au nucléaire a peu à peu disparu de l'arsenal idéologique de l'écologie politique. La participation des Verts aux gouvernements Jospin de 1997 à 2002 avait décontaminé l'embarrassante question que les amis de Cécile Duflot s'abstiennent aujourd'hui de poser clairement. Au-delà, faut-il tolérer l'atome, faute de mieux, parce qu'il fournit 80% de notre électricité ? Ou rester sceptiques, comme la société allemande, mécontente du report de la fermeture de ses centrales nucléaires ?
En France, la crise énergétique, en effet, a achevé de décomplexer les réalistes, brouillant, parfois, les plus vieilles certitudes contestataires. La montée de l'anxiété devant les conséquences prévisibles du réchauffement climatique a achevé de dédiaboliser une source énergétique considérée, à tort ou à raison, comme un moindre mal. Certains la verraient même presque « propre », alors qu'elle ne l'est toujours pas, évidemment. Alors, les manifestants de Dannenberg et Gorleben forment-ils le dernier carré des idéalistes anachroniques ou des visionnaires lucides quand ils rappellent que la toxicité de tels déchets est, à l'échelle humaine, pratiquement éternelle tant leur durée de vie active est longue ?
Faut-il que le danger reste à ce point élevé pour que le train aux 123 tonnes radioactives soit obligé de circuler dans le mystère ? Pour que deux gouvernements prennent le risque de le faire passer en pleine nuit dans la gare de Strasbourg pour éviter les manifestants qui l'attendaient ailleurs ?
Cette tension est malsaine. Elle révèle les ravages d'une communication du secret qui, au nom, pourtant, de la sécurité, ne peut qu'attiser peurs, fantasmes et brutalités. Nous voilà revenus - en tout petit - dans l'atmosphère saturée de Plogoff où l'intérêt supérieur de l'État pouvait justifier le passage en force de la puissance publique au mépris de toutes les règles préventives contre une pollution des sols et des paysages. Ce n'est pas un hasard si, aujourd'hui encore, ce sont les populations proches des sites d'enfouissement qui sont les plus rétives... Parce qu'elles ont une perception instinctive des périls et qu'elles savent qu'une société moderne ne peut ensevelir les résidus mortels de notre avenir économique.
Le manque de transparence et l'enjeu que représente une telle cargaison souligne d'un trait noir les limites d'une solution énergétique que l'on croyait pérenne. Une chose est sûre : elle ne pourra cesser d'inquiéter qu'en avançant dans la clarté.
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