TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 8 novembre 2010

Les chrétiens d'Orient pris pour cible

Du sang sur l'autel. Des morts dans la nef. Une cathédrale transformée en champ de bataille. C'était, il y a huit jours, le tableau d'un massacre, au coeur de Bagdad. En pleine célébration de la Toussaint, une cinquantaine de fidèles de l'église syriaque catholique succombaient à une attaque terroriste. En signe de solidarité, un message des évêques irakiens a été lu, hier, dans toutes les églises de France, et une cérémonie à l'intention des victimes célébrée à Notre-Dame de Paris.

Ce n'est pas la première fois que la communauté chrétienne d'Irak est visée. Depuis l'invasion américaine de 2003, les enlèvements de prêtres ou d'évêques, les attentats contre les lieux de culte ont été nombreux. Cette fois, cependant, par l'ampleur du carnage et le dessein politique qui l'a guidé, un palier vient d'être franchi. Car, dans sa revendication, la branche irakienne d'Al-Qaida a parlé clair. « Les centres, organisations, institutions, dirigeants et fidèles chrétiens sont des cibles légitimes pour les moudjahidines. » Dans le vide de pouvoir que connaît actuellement l'Irak, la stratégie de la tension intercommunautaire épouse parfaitement les objectifs des extrémistes islamistes.

Il y a encore trois ans, les chrétiens d'Irak, en témoignant de leurs souffrances, soulignaient volontiers que leur sort n'était pas unique ; que ce n'était pas tant une question de religion que de politique, de chaos provoqué par la guerre ; que le terrorisme faisait autant de victimes chez leurs voisins chiites ou sunnites. Davantage, même, par le nombre. Si l'on se limite au critère religieux pour dénombrer les victimes des attentats islamistes à travers le monde, ce terrorisme frappe souvent - et même d'abord - des musulmans innocents.

Aujourd'hui, pour les chrétiens d'Irak qui se sentent une cible désignée, la lecture purement politique ne permet plus de résister à la dureté du quotidien. C'est là une terrible victoire du fondamentalisme. Chaque attaque relance l'exode, inexorable depuis 2003. La communauté chrétienne d'Irak est passée de 800 000 âmes à moins de 500 000. Celle de Bagdad a été divisée par trois. C'est le bilan amer de sept ans de conflit, allumé par le président « très chrétien » George Bush.

La communautarisation des conflits, en acte dans tout le Proche-Orient, menace jusqu'à l'existence même de certaines communautés chrétiennes. Au point que les statistiques offrent un tableau surprenant. Il y a désormais, dans la région, autant de chrétiens qui ont émigré d'Inde ou des Philippines, en quête d'un emploi dans les riches monarchies pétrolières du Golfe, que de paroissiens autochtones, chez eux sur ces terres, entre l'Euphrate et la Méditerranée, depuis l'aube du christianisme.

Pour sensibiliser la communauté internationale au sort des chrétiens d'Orient, Paris a un rôle historique à faire valoir. Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a annoncé que la France allait demander un débat au Conseil de sécurité de l'Onu sur les violences en Irak. Parallèlement, une quarantaine de blessés dans cet attentat sont attendus, aujourd'hui, à Paris. Ils seront rejoints, dans les prochains jours, par une autre centaine de blessés.

Ce sont deux façons d'exprimer une solidarité nécessaire et délicate à la fois. Car il s'agit de faire valoir un droit et dénoncer les tentatives de « nettoyage communautaire », tout en ne tombant pas dans le redoutable piège des terroristes : la guerre de religion.

0 commentaires: