mercredi 15 décembre 2010
Une rigueur pleine de douceurs
C'est la saison de la rigueur dans la météo comme dans les comptes de l'Etat. En cette journée neigeuse, le Parlement va adopter un budget réduisant le déficit de l'Etat de près de 60 milliards d'euros, une baisse sans précédent. Mais cette rigueur est en réalité pleine de douceurs. D'abord parce que les trois quarts de la réduction proviennent de l'arrêt de phénomènes exceptionnels -plan de relance, grand emprunt, fonte de l'impôt sur les sociétés. L'effort réel tourne autour de la quinzaine de milliards. Ensuite parce que les efforts sont bien plus grands chez nombre de nos voisins. Le Parlement n'a pas réduit les dépenses de l'Etat de 8 % comme en Espagne, pas relevé la TVA de quatre points comme en Grèce cette année, pas annoncé la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires comme au Royaume-Uni, pas abaissé le SMIC de 12 % comme en Irlande. Et il n'a pas sabré le salaire des fonctionnaires, à l'inverse de ce qui s'est passé dans ces pays. Il est vrai que le chef du gouvernement Pierre Laval a discrédité chez nous cette idée, lui qui avait amputé les traitements de la fonction publique de 10 % en 1935...
Cette douce rigueur rassure les investisseurs étrangers sans paniquer les citoyens français. Elle reflète aussi une économie moins malade que d'autres. Et elle constitue un dosage adapté à une sortie de crise poussive. Mais elle ne pourra, hélas, pas durer. D'abord parce qu'il a fallu tordre un peu les hypothèses qui sous-tendent l'exercice budgétaire -une croissance prévue un peu forte, des taux d'intérêt espérés modérés. Ensuite parce qu'il va falloir faire davantage. Il y aura bien sûr des sirènes pour chanter le doux air de la relance budgétaire et de l'inconséquence du déficit. Les investisseurs, qui apporteront en 2011 le quart des ressources de l'Etat, ont toutefois les oreilles bouchées. Ils acceptent tout au plus d'écouter l'histoire qu'on leur raconte : un déficit public ramené de 6 % du PIB l'an prochain à 3 % deux ans plus tard. Autrement dit, les gros efforts devront porter sur 2012 -année électorale -et 2013. Bien sûr, les gouvernants peuvent parier l'oubli, où sont tombées tant d'autres histoires. Mais en ces temps financièrement troublés, où l'investisseur dans la dette publique s'envole comme moineau perché sur un fil au moindre bruit, ce genre de pari est trop risqué. Nous n'échapperons pas à une rigueur plus rude.
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