Martine Aubry en a assez que l'agenda individuel des présidentiables socialistes dévore l'agenda collectif du PS. Avec elle, on admettra qu'il y a plus important dans la vie et dans l'actualité que la date à laquelle Ségolène Royal s'élance. Car, pendant ce temps, on parle moins du projet. Plus précisément, on entend davantage les dissonances que les concordances.
On savait que la patronne du PS ne se laisserait pas dicter son calendrier par Nicolas Sarkozy qui vient, depuis le remaniement, de lancer la campagne de l'UMP. Elle a, d'ailleurs, quelques bonnes raisons de ne pas broncher.
D'abord parce que, par tempérament et par conviction, elle entend faire de la fermeté sa marque de fabrique et un élément de crédibilité. Dans la tempête, elle tient à montrer qu'elle a des nerfs, qu'elle se soucie d'abord des préoccupations des Français.
Ensuite, parce que les militants ont voté le calendrier des primaires le programme jusqu'en janvier, les candidatures jusqu'en juin, la désignation en octobre et qu'elle a fondé la rénovation du parti en s'appuyant sur eux. Pour Martine Aubry, la priorité est au vote, cette semaine, du projet sur « l'égalité réelle ». Après les fêtes, conventions, rencontres et voyages se succéderont.
Enfin, parce qu'elle sait que le choix de l'heureux candidat ou valeureux, selon de l'état du pays dépendra du climat préélectoral : selon que les centristes seront réunis ou éparpillés, que la crise sera menaçante ou dissipée, que Nicolas Sarkozy aura ou pas retrouvé des couleurs, que les sondages et les cantonales de mars donneront des indications, le choix peut différer. Un effondrement de l'euro accroîtrait, par exemple, les chances de Dominique Strauss-Kahn.
Admettons donc qu'il est urgent d'attendre. Pour autant, cette posture présente des inconvénients.
Primo, alors que les chances de la gauche n'ont jamais été aussi fortes depuis seize ans, elle offre plusieurs mois à la droite pour se refaire une santé. Et au centre Jean-Louis Borloo réunit ses amis jeudi pour se trouver une figure rassembleuse.
Secundo, elle entretient le doute sur ses motivations et le flou sur les positions du PS. On l'a vu à propos des retraites, sur lesquelles il n'a guère capitalisé : on ne sait plus si le relatif silence de Martine Aubry correspond à un choix prendre du temps, de la hauteur ou à un embarras à dire une position incontestée.
Tertio, des primaires civilisées peuvent produire un débat dynamisant. À l'inverse, une longue compétition sauvage peut replonger le parti dans des surenchères fratricides dont les militants ne veulent plus.
Quelle attitude doit adopter Martine Aubry, dès lors que l'incontestable favori de la course est celui qui fait le plus mystère sur sa participation ? En premier lieu, ne pas exagérer le pacte de non-agression passé avec lui, Royal et Fabius. En donnant l'impression que les primaires ne seraient qu'un habillage, il a déclenché l'initiative surprise de Ségolène Royal.
Enfin et surtout, la patronne du PS doit supplier Dominique Strauss-Kahn d'avoir l'audace de se prononcer tôt. D'avoir le courage de dire assez rapidement s'il conserve ou abandonne un poste prestigieux pour un autre destin, moins confortable, plus incertain et donc méritoire.
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