TOUT EST DIT

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vendredi 17 décembre 2010

Le sauvetage de Berlusconi, 

bonne nouvelle pour l'Italie

Aussi précaire soit-elle et quoi que l'on pense du personnage, la victoire de Silvio Berlusconi est une excellente nouvelle pour les institutions italiennes. En repoussant la motion de censure, ne fût-ce que par trois voix d'écart, les députés ont renvoyé dans ses buts un homme, Gianfranco Fini, qui tentait de réveiller par ambition personnelle la Première République heureusement disparue bien que jamais remplacée en 1994. Une République qui date d'avant la « descente sur le terrain » du patron de Fininvest, une éternité ! Une République qui a pris fin avec la célèbre opération « mains propres », emportant dans sa tombe la Démocratie-chrétienne, le Parti communiste et leurs cuisines politiciennes qui composaient et décomposaient les exécutifs, plusieurs fois par an parfois, dans le dos des citoyens toujours. Il suffit de penser aux sept gouvernements Andreotti ou aux huit gouvernements De Gasperi pour retrouver un instant le tournis de l'époque. Depuis l'après-guerre, Silvio Berlusconi est le seul président du Conseil à avoir mené une législature à son terme, de 2001 à 2006. Et aucun événement exceptionnel ne justifiait qu'il soit mis un terme prématuré à sa tentative actuelle de battre ce record. Le vote du 14 décembre 2010 a ceci de salutaire que le choix des électeurs sorti des urnes en avril 2008 a été respecté. En faisant revenir au pouvoir Silvio Berlusconi pour la troisième fois, avec 47 % de leurs suffrages contre 36 % à ses adversaires, les Italiens avaient dit non à Romano Prodi, qu'ils jugeaient inactif. Ils avaient préféré le « Cavaliere », en faisant semblant de croire à ses promesses de baisser les impôts, de débarrasser Naples de ses ordures et de renouer avec l'énergie nucléaire. Au bout du compte, on le sait déjà, le bilan risque d'être sévère. Mais si la Constitution italienne et le mode de scrutin en vigueur ont des tas de défauts, ils ont au moins le mérite de garantir, peu ou prou, un fonctionnement bipolaire du pays et de lui assurer une certaine stabilité. Pas inutile, en ces temps de crise de la zone euro.

Ce n'est pas un hasard si ceux qui cherchent des explications à l'attitude de Gianfranco Fini ne trouvent pas de réponse. Que s'est-il passé, au fond, pour que le président de la Chambre des députés ne sache attendre les échéances officielles ? Rien, si ce n'est qu'il entrera en janvier dans sa soixantième année. Fin novembre, ses partisans ont mis en ligne sur le site de leur club, Generazione Italia, une lettre ouverte à Silvio Berlusconi. « Monsieur le président du Conseil, nous considérons qu'a échoué l'expérience de ce gouvernement […]. Vous avez fait du pouvoir une fin en soi, sans réformer le pays, en conflit avec la magistrature et les syndicats, et en contrôlant l'information. » Une plaisanterie, car il s'agissait en réalité du discours tenu il y a exactement seize ans par Umberto Bossi, leader de la Ligue du Nord, le jour où celui-ci rompit avec Silvio Berlusconi, obligeant pour le coup le tycoon des médias à mettre fin, plus vite que prévu, à sa première expérience politique. Or la plaisanterie s'est retournée contre son auteur. Qu'a fait Gianfranco Fini ces deux dernières années pour interdire au président du Conseil de garder la haute main sur la quasi-totalité des télévisions et des journaux de la péninsule ? Qu'a-t-il fait pour l'empêcher d'insulter les juges et pour l'obliger à se rendre aux audiences de ses procès ? Qu'a-t-il fait, enfin, pour l'inciter à freiner l'envolée de la dette publique ? Derrière les coups d'éclat et le courage, bien tardif, de crever l'abcès, bien malin celui qui peut lire la ligne politique. En un quart de siècle, Gianfranco Fini est passé par presque toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Choisi au milieu des années 1980 par Giorgio Almirante pour diriger le Mouvement social italien (MSI), le Front national transalpin, il se voyait ces derniers jours gouverner avec le centre et les pseudo Verts, voire avec la gauche, après avoir travaillé main dans la main avec la droite berlusconienne de 1994 à 2010, d'abord sous l'étiquette d'Alliance nationale (AN), comme numéro deux du deuxième gouvernement Berlusconi, puis sous les couleurs du Peuple de la liberté (PDL), comme président de la Chambre des députés.

S'agissant de la méthode, ce qui s'est passé tout au long de l'année écoulée laisse rêveur. Tout a commencé le 22 avril, lors du congrès du PDL. L'Italie est agitée par les scandales entourant la vie privée du chef de l'exécutif et ce jour-là, dans un amphithéâtre proche du Vatican, les deux hommes s'envoient des noms d'oiseau à la figure avec une rare violence, devant un public effaré. Fin juillet, le président du Conseil estime que son partenaire ne fait plus partie de la famille. Du coup, à la rentrée, l'intéressé prend acte du divorce. S'estimant victime d'une purge « stalinienne », il déclare « la fin » du PDL et crée un groupe parlementaire autonome, sans mettre sur la table aucune divergence idéologique. Début novembre, il fonde un nouveau parti, Futur et Liberté pour l'Italie (FLI), toujours sans programme, et convainc ses quatre amis ministres de quitter le gouvernement. Silvio Berlusconi riposte en organisant pour le 14 décembre un vote de confiance au Sénat, où ses fidèles détiennent la majorité absolue. La gauche s'engouffre dans la brèche et annonce une motion de censure le même jour à la Chambre, où le PDL ne dispose que d'une majorité relative. Gianfranco Fini ne peut aller jusqu'à rallier cette initiative. « Je suis du centre droit et je le reste », répète-t-il jusqu'à l'usure. Il décide alors de présenter sa propre motion de censure. Ultime paradoxe, quand on sait qu'il avait apporté sa voix au précédent vote de confiance réclamé par le président du Conseil, pas plus tard que le 29 septembre ! « Je suis dans la majorité », disait-il encore à ce moment-là. « Je suis dans l'opposition », a-t-il martelé dans les heures qui ont précédé le vote de mardi. Et demain ?

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