TOUT EST DIT

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vendredi 17 décembre 2010

Nobel versus Confucius

L'attribution du prix Nobel de la paix au dissident chinois emprisonné Liu Xiaobo et la violente réaction de Pékin feront date : jamais la rupture morale entre l'Occident et le plus puissant des régimes antidémocratiques n'avait été aussi nettement exprimée. Au temps de la guerre froide, les totalitarismes russe et chinois pouvaient recourir à des justifications idéologiques. Celles-ci ont disparu avec la fin du maoïsme, puis la chute du communisme soviétique, mais on pouvait encore penser que aux yeux mêmes des dirigeants chinois, le maintien d'un régime dictatorial et répressif était une condition nécessaire, et historiquement provisoire, de l'extraordinaire développement économique du pays : sortir de la pauvreté valait bien quelques entorses à la morale politique. L'affaire du Nobel fait tomber les masques et les illusions : le jury du prix, écrit le principal quotidien chinois, fidèle reflet du discours du pouvoir, est une « survivance du passé » et, « depuis le début du XXIe siècle, le noyau de la civilisation se déplace vers les nouvelles nations émergentes ». Le mot « civilisation » n'est pas choisi au hasard : il englobe, avec les sphères des arts, de la pensée et de la technique, celle de la politique -la démocratie et les droits de l'homme.


Cette réfutation de l'universalisme de l'esprit des Lumières n'est pas nouvelle : dès les années 1980, le « père » de Singapour, Lee Kuan Yew, lui opposait les « valeurs asiatiques » d'ordre et de soumission à l'autorité. Creusant ce sillon, les dirigeants chinois ont, très habilement, annoncé la création d'un prix Confucius, qui devrait être remis au président d'honneur du Kuomintang, le parti taïwanais prônant un rapprochement avec la Chine continentale : bel exemple, en effet, de résignation pacifique aux raisons du plus fort. C'est pourtant un auteur occidental, Pascal, qui a dénoncé de la façon la plus limpide cette conception de la morale politique : « Ne pouvant faire que ce qui est juste soit fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. »

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