TOUT EST DIT

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vendredi 17 décembre 2010

Éviter l'embrasement

Trois kilomètres. C'est ce qui sépare, à Abidjan, le palais présidentiel de l'hôtel du Golf. Dans le premier, Laurent Gbagbo, le président battu le 28 novembre, s'accroche à son pouvoir, fort du soutien de l'armée. Dans le second, Alassane Ouattara, le vainqueur, tente de faire valoir son succès et le soutien de l'étranger dont il bénéficie. C'est dans ce petit périmètre que se jouait, hier, la guerre ou la paix en Côte d'Ivoire. Entre un palais sans légitimité et un élu sans palais. Les violences qui ont éclaté font, hélas, redouter le pire.

Depuis deux semaines, aucune médiation n'a fait vaciller Gbagbo dans son refus de reconnaître le résultat des urnes. Pire, sa stratégie ne laisse plus de place au doute. Gbagbo a choisi l'affrontement. Il dispose de troupes d'élite et d'une garde bien armées. C'est sans la moindre hésitation qu'il a fait tirer, hier, sur les militants pro-Ouattara qui marchaient vers le siège de la télévision publique. Tous ceux qui espéraient des défections au sein de l'armée en faveur d'Ouattara doivent se rendre à l'évidence. Gbagbo tient ses troupes, qu'il arme et rétribue. C'est le plus mauvais signal qui pouvait arriver.

La RTI, la télévision publique qui concentrait, hier, tous les regards, est devenue un symbole ces dernières semaines. Symbole positif, initialement, puisque, pour la première fois, elle a été relativement neutre durant la campagne électorale. Organisant un débat entre les candidats, faisant espérer aux Ivoiriens l'entrée de leur pays dans le club des démocraties.

Toutefois, dès le 29 novembre, la puissance de feu que constitue la télévision a été immédiatement reprise en main par les hommes de Gbagbo. Distillant une information censurée, alors qu'au même moment les ondes de RFI, de la BBC et de France 24 étaient brouillées. C'est la raison qui a poussé Ouattara à marcher sur ce symbole. Au risque de déclencher l'affrontement et de jouer sa fragile légitimité

Importante, cette bataille des ondes l'est toutefois moins que ce qui se discute en coulisses sur le plan économique et financier. C'est le principal levier dont dispose la communauté internationale pour empêcher Gbagbo de faire précipiter la Côte d'Ivoire dans un bain de sang. À ce jour, l'Onu, l'Union européenne, les États-Unis ont reconnu explicitement la victoire d'Alassane Ouattara. Nul ne souhaite intervenir militairement, comme l'a rappelé, mercredi, Alain Jupé, le ministre de la Défense. C'est l'arme économique qui peut avoir du poids. Peut-être.

Gel des avoirs, gel des comptes auprès de la banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest, blocage des visas. Paris et les Européens poussent pour que la banque centrale ivoirienne change de main. « La seule signature valable pour l'État ivoirien, c'est désormais celle de M. Ouattara », a déclaré, mercredi, Michèle Alliot-Marie, lors de son audition au Parlement. Simple voeu ou pression efficace? La France parle d'un pupitre qui compte. C'est le premier partenaire d'Abidjan, avec plus de 600 entreprises implantées et 15 000 ressortissants résidents.

C'est aussi une fragilité. Tout le monde garde en mémoire les violences antifrançaises de 2004 qui avaient poussé 8 000 Français à quitter le pays. Depuis hier, le risque d'embrasement est à son comble. Politiquement, le retour à une partition nord-sud est de plus en plus probable. Mais il y a, dans le pays, autant de risques de guerre civile que de barrages des forces armées. C'est ce scénario du pire que la diplomatie tente d'éviter.

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