Alexandre A., 38 ans, expéditeur de mails égrillards à "Mademoiselle Dati" sera-t-il jugé par le tribunal correctionnel de Valence (Drôme), vendredi 3 décembre, ou son procès pour "outrage à personne chargée d'une fonction publique" sera-t-il renvoyé à une date ultérieure ?
Présentée comme une blague d'un goût douteux sanctionnée par un déploiement de moyens policiers et judiciaires disproportionnés à cause de la qualité d'ancienne garde des sceaux de la plaignante, l'affaire semble aujourd'hui moins limpide. Et, selon des sources judiciaires, des doutes planent sur la pleine et entière responsabilité pénale du mis en cause. Le 28 octobre, le Dauphiné libéré relatait la stupéfaction d'Alexandre A., habitant de Bourg-de-Péage, interpellé quelques jours plus tôt "au saut du lit" par l'antenne drômoise de la police judiciaire de Lyon et placé en garde-à-vue "près de 48 heures", à la suite d'une plainte déposée par Rachida Dati. Selon le quotidien régional, l'homme était soupçonné d'avoir adressé à l'ancienne garde des sceaux un courriel "ni ordurier, ni vulgaire, mais assez explicite" relatif à son lapsus du 26 septembre. Ce jour-là, en direct sur Canal +, la députée européenne UMP, maire du 7e arrondissement de Paris, avait employé le mot "fellation" au lieu d'"inflation".
"UNE PETITE INFLATION"
Sous contrôle judiciaire en attendant sa comparution, Alexandre A. – sans emploi ni ressources déclarées – a grandement facilité la tâche des enquêteurs qui ont saisi chez lui deux ordinateurs portables, neuf disques durs, cinq cartes mémoires et deux fusils de chasse détenus de manière régulière. Sur un des sept courriels qu'il a en réalité adressés à Mme Dati entre le 3 et le 14 octobre – et que Le Monde a pu consulter –, il avait indiqué son nom et son adresse.
Dans cette prose, il sollicite "une petite inflation" dans les locaux de la mairie du 7e arrondissement en présence de… Carla Bruni-Sarkozy. Il suggère à Mme Dati de "passer de l'intellectualisme à l'onanisme". Plus inquiétant, il l'invite à "regarder les immeubles" environnants. Sa dernière missive qui propose un "face-à-face" est la goutte qui a fait déborder le vase. "Au vu du nombre et l'insistance des propos que [les courriels] contenaient, je ne pouvais plus considérer sa démarche comme une simple plaisanterie. (…) Je me suis sentie menacée", déclare Rachida Dati, le 29 octobre, sur son site Internet pour expliquer son dépôt de plainte.
"JUSTICE À DEUX VITESSES"
Alexandre A. n'a jamais été condamné, mais selon nos informations, le parquet de Valence a confié l'enquête à la direction inter-régionale de la PJ de Lyon après avoir constaté qu'il avait fait l'objet de trois procédures pénales antérieures pour "violences" classées sans suite. L'une d'elles, datant de 2006, est liée à une plainte de sa propre mère qu'il avait alors reconnu avoir saisie par le cou, avant de la lâcher alors qu'elle se trouvait par terre et qu'elle "allait bien". "Mon sang n'a fait qu'un tour", s'était justifié Alexandre à l'époque, déplorant des difficultés de communication avec sa famille et expliquant se sentir "surveillé" par des gens qu'il ne connaissait pas. Il ne s'était jamais soumis à l'expertise psychiatrique alors ordonnée par le parquet, mais il n'était pas réapparu chez sa mère, et l'affaire avait été classée.
Lors de sa garde à vue de 29 heures, du 21 au 22 octobre, Alexandre A. a critiqué une "justice à deux vitesses", plus diligente pour les puissants quand ses propres plaintes pour dégradation de véhicule et violences de la part d'un voisin – dont le parquet n'a pas trouvé trace – sont restées sans suite. Conscient du trouble causé à Mme Dati, il a précisé qu'il aurait quand même trouvé "très drôle" de recevoir une fellation avec la première dame de France pour témoin. Sa logorrhée a interpellé les policiers et un examen psychiatrique – sans valeur d'expertise – a été diligentée. Le rapport, livré le 22 septembre en fin de matinée par le médecin de l'unité psychiatrique du CH de Valence l'ayant effectué, recommandait "un suivi au long cours". Alexandre A. lui avait expliqué avoir physiquement agressé sa mère. Le médecin précisait que le gardé-à-vue pouvait être à nouveau conduit à des actes "excessifs". Un autre psychiatre rencontré ensuite deux fois par Alexandre A., dans le cadre de son contrôle judiciaire a, de son côté, recommandé dans un courrier daté du 9 novembre "une expertise psychiatrique et une obligation de soins".
SEPT AVOCATS POUR LA DÉFENSE
Le 3 décembre, le parquet pourrait donc réclamer ladite expertise afin de prendre des réquisitions adéquates, renvoyant ainsi le procès à une date ultérieure. Représentée par le ténor parisien Me Olivier Metzner, Rachida Dati n'a pas l'intention de se déplacer à Valence. Sur le banc de la défense, Me Ivan Flaud, assure qu'il ne craint rien ni personne. A la cause d'Alexandre A. il a rallié six confrères du barreau de Valence. "A procédure exceptionnelle, défense exceptionnelle", lâche-t-il pour expliquer le renfort – "gracieux", précise-t-il – des pénalistes Maîtres Isabelle Ceyte, Philippe Chardon, Christophe Joset, Anne Jung, Isadora Vernet et Giacomino Vitale. "Mon client n'est pas fou, continue Me Flaud. Il reconnaît qu'il n'a pas agi très intelligemment, mais il est surpris par l'ampleur qu'a pris cette histoire. S'il avait envoyé les mêmes mails à sa voisine, on n'en parlerait pas. Nous serons donc sept pour dénoncer ce dysfonctionnement manifeste de l'institution judiciaire."
Pour commencer, Me Flaud a déposé une requête en nullité pour la garde-à-vue d'Alexandre, basée sur les récentes décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme déclarant cette procédure non conforme au droit européen. Il entend ensuite plaider la relaxe. Selon lui en effet, l'outrage poursuivi n'est pas constitué puisque – si son client a bien utilisé l'adresse électronique publique de Rachida Dati au parlement de Strasbourg, "seul moyen de la joindre" –, il s'est toujours adressé à "Mademoiselle Dati, qui n'est pas mariée, en tant que personne".
Le 3 décembre, lors d'une audience qui promet d'être médiatisée, le tribunal correctionnel de Valence devra également examiner la recevabilité de la constitution de partie civile de deux "chevaliers servants" de Mme Dati au profil inattendu : Alfredo Stranieri, 54 ans, condamné en mars 2004 à la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté pour deux double assassinats et une tentative d'assassinat ; et Germain Gaiffe, 43 ans, condamné en 2003 à 30 ans de réclusion assortis de 20 ans de sûreté pour meurtre. Ces hommes, qui purgent leur peine en Ile-de-France, revendiquent en effet tous deux la paternité de Zohra, la fille de Mme Dati née en janvier 2009. Pour étayer leur requête, ils ont joint à leur courrier au parquet de Valence la copie de déclarations prétendument adressées en juin 2009 à un officier d'état civil du 16e arrondissement de Paris où l'enfant a vu le jour. Et ils comptent faire reconnaître… le préjudice qu'ils ont subi dans l'affaire des mails.
dimanche 28 novembre 2010
"Mademoiselle Dati", Alexandre A., et les courriels salaces
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