Les dizaines de milliers d’Irlandais qui sont descendus dans la rue, hier, ont crié leur colère face au programme d’économies de leur gouvernement. Salaires, pensions, allocations seront amputés ; des impôts seront augmentés, ces coupes et ces hausses devant aboutir à resserrer le déficit public. Il s’agit de vrais sacrifices, qui inquiètent à bon droit les travailleurs, les retraités et une jeunesse qui voudrait bâtir un avenir.
Pour les Irlandais, la conjoncture actuelle est un nouvel épisode dans un rapport complexe à l’Europe. Ils ne sont pas loin du gouffre, financièrement parlant, tout en étant, depuis des années, le peuple le mieux soutenu — certains disent assisté — de l’Union. Cette réalité leur a d’ailleurs été rappelée, les deux fois où ils ont fait preuve de réticences à avancer dans ce qu’il est convenu d’appeler « la construction européenne ». Par deux fois, tels des ingrats, ils ont d’abord voté « non » aux référendums qui leur étaient soumis. À chaque fois, Bruxelles a dû leur laisser un délai de réflexion supplémentaire d’un an, les travailler au corps, pour finalement obtenir l’assentiment sans lequel — règle de l’unanimité oblige — les traités qui sont censés ficeler une Europe unie restaient lettres mortes.
Confrontés à la rigueur, nos amis irlandais doivent se demander si elle est le prix amer de l’aventure européenne, alors que celle-ci, promesses électorales à l’appui, devait déboucher sur des horizons fleuris. La dénonciation du secours financier international comme une « ingérence », voire une « humiliation » — à Dublin comme à Athènes, d’ailleurs — montre que la souveraineté est une matière qui s’apprécie en se raréfiant.
Les Irlandais doivent être d’autant plus dubitatifs, qu’ils savent bien que la solidarité, invoquée pour enrubanner le paquet de 85 milliards d’euros qui leur est destiné, n’est dédiée, ni à leurs yeux bleus, ni à leurs verts pâturages. Pour l’UE, il s’agit surtout d’enrayer l’« effet domino » qui, à partir de la Grèce, via l’Eire, pourrait toucher bientôt le Portugal. À tel point qu’un enjeu du prochain sommet européen sera de définir un parapluie anti-crises permanent (et non plus limité à 2013) et de se demander s’il faut en doubler la mise de 750 milliards d’euros.
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