TOUT EST DIT

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dimanche 28 novembre 2010

En Egypte, le poids des Frères musulmans reste une inconnue

Le score que remportera la puissante institution des Frères musulmans aux élections législatives d'Egypte, dimanche 28 novembre, reste le principal point d'interrogation de ce scrutin en grande partie joué d'avance. Face à l'énorme machine électorale du Parti national démocratique (PND, au pouvoir), auquel tout le monde prédit une large victoire, la Confrérie islamique dispose d'un important réseau de mosquées, d'écoles, de crèches et de centre de soins médicaux – autant de secteurs où l'action de l'Etat est jugée insuffisante par de nombreux Egyptiens – et de la capacité avérée de mobiliser les foules.

Ces dernières années, les Frères musulmans ont également bénéficié du phénomène de réislamisation de la société égyptienne qui a accompagné l'appauvrissement d'une partie de la population et la grogne croissante envers un régime indéboulonnable depuis 30 ans.
TIMIDES OUVERTURES DÉMOCRATIQUES
Fort du soutien populaire, les Frères musulmans avaient opéré une percée remarquable lors du précédent scrutin de 2005, remportant 88 sièges (contre 11 en 2000), soit un cinquième du Parlement. Elus sous l'étiquette "indépendants" pour contourner l'interdiction officielle qui pèse sur ses membres, la Confrérie aurait sans doute pu faire mieux, si le scrutin n'avait pas été entaché d'irrégularités. Pour limiter ce succès qu'à l'évidence il n'avait pas anticipé, le régime avait réagi en barrant l'accès de nombreux bureaux de vote, dès le deuxième jour des élections qui se déroulaient, à l'époque, en quatre journées réparties sur un mois.
Depuis, le gouvernement a mené une campagne de harcèlement à l'encontre de la Confrérie, en multipliant les arrestations de ses membres. Plus de 5 000 d'entre eux ont été arrêtés en 2009. A la veille du scrutin de 2010, ils sont encore plus de 1 000 dans les prisons, dont plusieurs candidats. Plus pénalisant encore, le pouvoir a procédé au gel d'une partie non négligeable des avoirs financiers de la Confrérie.
CONFLITS INTERNES
Fin 2009, les Frères musulmans ont par ailleurs connu des dissensions internes, largement couvertes par les médias, suscitant de nombreux débat sur l'affaiblissement que ces disputes étalées au grand jour pourraient provoquer. Tandis que traditionnellement, seule la mort mettait un terme aux fonctions de guide suprême des Frères musulmans, le guide Mohammed Mahdi Akef avait alors déclaré qu'il ne poursuivrait pas son mandat. Son départ a été suivi de mises à l'écart de personnalités importantes au sein de la Confrérie.
"La bureaucratie minait nos affaires internes", explique au Monde Mohammed Habib, numéro deux de l'époque, aujourd'hui écarté. "En outre, l'interdiction que le régime fait peser sur les Frères a engendré des auto-restrictions, un repli sur soi de la Confrérie, une propension au secret et, finalement, une situation dans laquelle les décisions ne sont plus prises que par une minorité d'entre nous, aux dépends de notre tradition de consultation. Selon moi, la Confrérie a commencé à souffrir des mêmes maux que le régime égyptien : le manque de démocratie que, justement, nous combattons." M. Habib insiste cependant sur le fait qu'après son départ, la décision de participer aux élections législatives, alors qu'une partie de l'opposition égyptienne appelait au boycot, a été le résultat d'un important débat interne.
Porte-parole de la Confrérie, Essam El-Erian, interrogé par Le Monde juge, au final, "impossible de rééditer le score de 2005", notamment en raison de "l'atmosphère politique étouffante" et du "manque de transparence du scrutin" (la supervision des juges à été supprimée dans les bureaux de vote suite à un amendement constitutionnel de 2007).
REPRISE EN MAIN DE LA VIE POLITIQUE
D'autres Frères ont évoqué également l'absence de pressions étrangères sur le régime égyptien. En 2005, dans un changement de ton significatif à l'égard de son principal allié au Moyen-Orient, l'administration américaine de George Bush s'était dit en effet "préoccupée par l'avenir des réformes égyptiennes lorsque des militants pacifiques de la démocratie ne sont pas préservés de la violence." Dans un discours, prononcé à Charm al-Cheikh en juin 2005, la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice avait même déclaré : "Pendant 60 ans, les Etats-Unis ont recherché la stabilité aux dépens de la démocratie au Proche-Orient, et nous n'avons accompli ni l'un ni l'autre."
Ce constat peu encourageant reste valable aujourd'hui. Les timides ouvertures démocratiques concédées à cette époque par le président Hosni Moubarak ont en outre cédé à une reprise en main très stricte de la vie politique en Egypte.
Selon les spécialistes, les Frères musulmans sont toujours aussi puissants en nombre de militants, voire davantage. Mais les conditions de vote, le contexte international et égyptien – notamment les inconnues et les inquiétudes entourant la succession du président Hosni Moubarak –, estiment-ils, ne leur permettront pas de conserver leur position de principale force d'opposition au sein du Parlement.

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