TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 19 novembre 2010

L'Otan en quête d'une raison d'être

Vingt ans après la chute du mur de Berlin, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, sortie victorieuse de la guerre froide sans avoir eu à tirer un coup de canon, est à la recherche de sa raison d'être. Alors que s'ouvre aujourd'hui à Lisbonne un sommet réunissant les 28 membres de l'Otan, son nouveau secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, préfère ces temps-ci évoquer des menaces en tout genre plutôt que de désigner un pays ennemi. Un paradoxe pour une alliance militaire.

S'exprimant récemment à l'European American Press Club à Paris, l'ancien chef du gouvernement danois s'est refusé à stigmatiser un pays comme l'Iran, que l'Occident tente pourtant de mettre au ban des nations pour l'empêcher de développer l'arme nucléaire. Prudence compréhensible : la Turquie, membre de l'Alliance depuis 1952 et qui entretient la deuxième armée en termes d'effectifs après celle des Etats-Unis, apprécie de moins en moins que l'on se mêle de la sécurité de son proche voisinage. Sans oublier que ce pays, également membre de la Conférence islamique, s'était opposé, en 2009, lors du précédent sommet à Strasbourg, à la nomination de Rasmussen à la tête de l'Alliance… Un souvenir des caricatures de Mahomet publiées par un journal danois…

La Chine n'est pas non plus le « grand Satan », pour reprendre l'expression qui désignait l'URSS du temps de Ronald Reagan. Certes, la république populaire sait, de temps à autre, provoquer des tensions en mer de Chine et a poursuivi à sa façon la course aux armements. Mais elle ne menace pas la sécurité de l'espace euro-atlantique. « Nous ne cherchons pas à avoir des ennemis. Nous sommes des pragmatiques ouverts à un dialogue renforcé avec la Chine », insiste Rasmussen.

La Russie n'est, évidemment, plus considérée comme menaçante. Au contraire, avec l'arrivée à la Maison-Blanche de Barack Obama, la période est plutôt à une nouvelle détente. Le président Medvedev a finalement accepté de venir à Lisbonne et le Conseil Otan-Russie devrait pouvoir se tenir. Paradoxalement, l'Otan attend même une aide supplémentaire de son ennemi d'hier pour l'Afghanistan.

La Russie sait aussi que l'organisation a, du moins pour le moment, cessé de s'élargir vers l'est, en écartant une adhésion de la Géorgie et, évidemment, de l'Ukraine, de nouveau dirigée par un régime favorable à Moscou. Cette crainte d'une percée de l'Otan dans l'ancien espace soviétique comme le dossier du bouclier antimissile américain en Europe étaient devenus de « graves irritants », selon le jargon diplomatique, dans les relations entre les Etats-Unis, l'Alliance et la Fédération russe. La situation, de ce point de vue, s'est apaisée.

Si bien qu'aujourd'hui, l'alliance militaire n'a plus, comme elle a pu en avoir pendant quarante ans, un adversaire clairement identifiable : les chars soviétiques. Comme un pied de nez de l'histoire, c'est après l'implosion de l'URSS et la dissolution même du pacte de Varsovie que l'Alliance a effectué sa réelle première intervention militaire : en l'occurrence dans les Balkans, pour tenter de mettre un terme aux guerres qui ont ravagé cette partie de l'Europe après la fin de la Yougoslavie.

Mais les attentats terroristes anti-américains du 11 septembre 2001 ont profondément changé la donne. Et l'Otan, avec un mandat des Nations unies, a repris le flambeau de l'intervention internationale en Afghanistan, très loin en principe de sa zone initiale, mais pour tenter de stabiliser un pays d'Asie centrale et combattre le régime des talibans, qui a donné abri à Oussama ben Laden et à ses troupes d'Al-Qaida.

Plus qu'au risque d'une attaque frontale d'un pays contre un autre, d'une armée organisée contre une autre, l'Otan est désormais confrontée à des menaces souvent asymétriques, difficilement identifiables : terrorisme, Etats déliquescents, piraterie, trafic de drogue. Des dangers qui proviennent, non plus d'un territoire déterminé, mais de mouvances souvent sans frontières. Le monde est aussi confronté à de nouvelles problématiques, comme les attaques cybernétiques, ou les questions de sécurité énergétique. Dans ce contexte, Anders Fogh Rasmussen espère bien parvenir à faire adopter à Lisbonne un nouveau concept stratégique, qui se substituerait à celui de 1999.

Ce changement de doctrine intervient à un moment délicat pour l'organisation. N'ayant pas directement d'armée, l'Otan fait appel à ses membres en cas de besoin. Or, en Europe, la crise a obligé les pays à réduire leur budget militaire. Comme le souligne son responsable, l'Otan pense certes nécessaire de restructurer le plus possible ses propres moyens. Quatre mille des 13.500 officiers que compte l'organisation devraient être redéployés sur le terrain. De plus, des accords comme celui annoncé récemment par le Premier ministre britannique, David Cameron, et le président Nicolas Sarkozy vont dans le sens d'une meilleure utilisation des ressources entre alliés. Mais est-ce suffisant ?

Le plus difficile est évidemment sur le terrain et, en premier lieu, en Afghanistan. L'Otan et les autres pays de la coalition comme l'Australie ont, en dépit du renforcement militaire américain, du mal à pacifier le pays. En réalité, plus personne ne croit - et Rasmussen le premier -à une victoire militaire, chacun s'accordant à penser que la solution est politique. Au-delà du cas afghan, une question se pose : l'Otan reste aujourd'hui l'expression d'un monde de l'après-Seconde Guerre mondiale. Or le centre de gravité géopolitique n'est plus le même et s'est déplacé vers le Pacifique, la Chine, l'Inde… L'Alliance atlantique peut-elle encore survivre dans ce nouveau monde ?

0 commentaires: