TOUT EST DIT

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jeudi 14 octobre 2010

Remontée vers l'essentiel

« Je suis né pour mourir au grand jour. » Cette phrase céleste venue du fond de la terre, comme jaillie de l'âme de Mario Sepulveda - le plus spectaculaire des mineurs extirpés des entrailles du désert de l'Atacama -, a balayé les ténèbres de l'actualité avec une force presque mystique.
Grèves, polémiques politiques, menace terroriste... tout le fracas de nos univers familiers s'est soudain arrêté, suspendu par l'image épurée de ce dérisoire filin d'acier auquel tenait rien de moins que la vie. Dans cette opération de sauvetage, le progrès technologique vertigineux de ce début de vingt et unième siècle se retrouvait tout à coup hors-jeu. Inutile. Suppléé par un simple chevalet et le mouvement éternel d'une petite poulie.
Ce fut une leçon de modestie pour l'humanité. Un étonnement devant la revanche inattendue et proprement stupéfiante d'une simplicité oubliée. Le rappel, aussi, d'une vulnérabilité dérangeante. Il a suffi de 660 mètres de terre et de roche, sous la surface, pour livrer 33 hommes à une mort que l'on croyait certaine. Pour les rendre inaccessibles aux plus sophistiqués des moyens d'extraction. Cette conscience d'une si dangereuse fragilité, tous les mineurs du monde la partagent mais quand elle surgit, elle reste un choc pour le reste du commun des mortels.
Le retour inespéré de ces miraculés a provoqué une fraternité planétaire qui a dépassé l'agitation frénétique du millier de journalistes internationaux présents sur place. Autour de ces séquences irréelles, il s'est produit un phénomène rare et unique d'adhésion. Les visages de ces hommes revenus d'un au-delà souterrain hostile et fatal, c'était aussi les nôtres quand nous avons le sentiment d'avoir joué un bon tour au destin.
Le cinéma est souvent plus beau, plus intense et plus tragique que le réel. Là, avec ces forcenés triomphants, nous avons eu l'impression inverse. Le sentiment d'être littéralement magnétisés par ces séquences qui avaient fui le côté sombre de nos existences. Une information heureuse. Un happy end en direct. Un accident qui se termine bien... Ce sont des bonheurs si rares dans le monde de l'information qu'on pardonnera les journalistes d'avoir cédé à l'allégorie...
Hier en effet plus rien d'autre ne comptait que ces hommes et ces femmes tombant dans les bras les uns des autres. Que ce petit garçon pleurant d'émotion en retrouvant ce père qu'il avait cru disparu à jamais. Que l'explosion rugissante de cette joie de revenir à l'air libre qui rappelle à quel point voir le soleil et sentir le vent sur sa joue sont d'immenses privilèges.
Ce fut, tout simplement, sur tous les continents mis à l'heure du Chili, une remontée universelle vers l'essentiel.


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