TOUT EST DIT

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jeudi 14 octobre 2010

INTERVIEW Mariage La Poste - CDC, augmentation de capital d'Areva, impôts, participations de l'Etat : Christine Lagarde fait le point

Christine Lagarde, ministre de l'Économie, dévoile à "La Tribune" le dispositif retenu pour l'opération La Poste - Caisse des dépôts. Garante des intérêts patrimoniaux de l'État actionnaire, elle livre le rapport 2010 des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation. Une année difficile : les dividendes perçus par l'État ont chuté de 23,6 % alors que les bénéfices des entreprises publiques ont fondu de 23,6 milliards à 7,4 milliards d'euros entre 2008 et 2009.
 La Tribune - Quel a été l'impact de la crise en 2009 pour l'Etat actionnaire ?
- Il a été très fort à double titre : d'abord, si on prend l'ensemble du portefeuille en consolidé, on constate une baisse du chiffre d'affaires, une diminution des dividendes et une réduction de la taille complète du portefeuille ; nous n'avons pas procédé à des opérations de cessions, alors qu'habituellement, sur un plan budgétaire on prévoit chaque année une provision de 5 milliards d'euros de cessions d'actifs. En fait, pour résumer, l'exercice 2009 a été marqué par une gestion de prudence, de soutien, avec des résultats que l'on sait générés par la crise.
- Les dividendes perçus par l'Etat actionnaire reculent de 26% :  vous vous attendiez à une telle baisse ?
- Non, mais qui s'attendait à la crise ? Comme les autres actionnaires, on a été frappé par la brutalité de la crise, et ça s'est ressenti sur les distributions de dividendes.
- Comment expliquez-vous la forte hausse de l'endettement des entreprises publiques ?
- On a soutenu des entreprises dans des secteurs particulièrement touchés qui étaient victimes de difficulté de refinancement. Rien que dans le secteur automobile, l'Etat a injecté plus de 6 milliards d'euros dont 3 chez Renault. Autre raison de cette augmentation de la dette, les entreprises publiques ont procédé à des investissements et des acquisitions par croissance externe.

- La filière automobile a perdu beaucoup d'emplois en France ces dernières années. Le gouvernement avec les Etats généraux de l'industrie et l'aide financière aux constructeurs a-t-il inversé ce mouvement de désindustrialisation?
- Le secteur automobile était massivement en surcapacité. L'avenir le dira. Je n'ai pas envie de donner un jugement définitif pour deux raisons : la France a des groupes de dimension mondiale qui ont vocation à fabriquer et à vendre en France mais qui ne produiront pas probablement dans les cinq années qui viennent de la même façon qu'ils ont produit dans les cinq dernières années. Le mode de fabrication va évoluer.

- Pourtant en Allemagne, les usines tournent à plein régime contrairement à celles en France...

- Le positionnement est différent mais cela n'a pas empêché les Allemands d'externaliser considérablement. Les constructeurs allemands ne sont pas forcément allés s'installer dans des pays lointains mais des pays émergents de proximité. Si vous regardez le mode de fabrication de certains modèles emblématiques, vous en avez à peu près 80 % de la fabrication située hors Allemagne. Mais le morceau de valeur ajoutée critique reste en Allemagne.

- Quelles seront les modalités d'entrée de la Caisse des Dépôts au capital de La Poste ?
- Le processus se termine. Il y a quelques semaines, j'ai trouvé un accord de principe avec la direction générale de la Caisse des Dépôts. J'espère que la Commission de surveillance l'approuvera et que la Commission des participations et transferts le jugera approprié. Les modalités de fixation de la valeur ont été justement définies puisqu'elles prévoient une valeur globale de 4,3 milliards d'euros payable en deux fois en fonction de la réalisation du plan stratégique. Elles prévoient également un complément de valorisation qui pourrait aller jusqu'à 700 millions d'euros si les prévisions du business plan sont dépassées, ce qui porterait la valorisation de la Poste à 5 milliards d'euros. La Caisse des Dépôts disposera de 26,32% du capital de La Poste et de trois administrateurs. Un pacte d'actionnaire liera l'Etat et la Caisse des Dépôts. Nous souhaitons tous les deux être associés au suivi du plan stratégique de la Poste et à son contrôle.
- Avez-vous un calendrier plus précis de l'augmentation de capital d'Areva ?
- Avant la fin de l'année. Les négociations continuent. Nous étudions par ailleurs une proposition d'EDF qui souhaite augmenter sa participation au capital. C'est une option. Tout n'est pas encore stabilisé ni en termes de prix, ni en termes de calendrier.
- Avez-vous des inquiétudes d'actionnaires sur le dossier difficile entre EDF et Constellation ?
- Ils sont dans une phase de négociations qui n'est pas évidente et dans laquelle la communication constitue une dimension non négligeable. Les autorités françaises regardent le dossier de près.
- Jean-Paul Herteman à la tête du groupe Safran a-t-il toutes les chances de se succéder ?
- Il a fait un très bon job. Ce groupe fait partie des satisfactions que je peux avoir au titre de l'Etat actionnaire ambitieux au niveau industriel : de belles opérations de croissance organique et de croissance externe. C'est un beau travail.

- Avec la nomination récente d'un commissaire aux participations de l'Etat, le rôle de l'Etat actionnaire a-t-il changé?
Oui, l'idée est d'étoffer le rapport actionnaire- entreprise publique. Jusqu'à présent la gestion exercée par l'Etat était essentiellement patrimoniale : on était un actionnaire avisé, attentif à la valorisation du portefeuille et aux évolutions stratégiques notamment des grandes opérations d'ordre patrimoniale. On a souhaité élargir le rôle de l'actionnaire en introduisant de manière beaucoup plus nette le regard stratégique, qui s'exerce désormais avec un double prisme : d'une part le renforcement des positions dans une logique de filières et d'autre part, un contrôle plus important sur la façon dont la valeur et les emplois se créent. C'est ainsi que je rencontre, avec mes collègues compétents sectoriellement, chacun des patrons des grands groupes. Sur une quinzaine, j'en ai déjà vu plus de la moitié, et je les interroge sur leur stratégie, leurs projets d'investissements ...

- Quelle est la place du territoire français dans la stratégie des chefs d'entreprises publiques ?
- Je leur ai écrit au mois de juillet et voilà ce qu'ils m'ont répondu. Ils considèrent que l'investissement des entreprises publiques sur le territoire français va augmenter de 14% entre 2009 et 2010. De même ces entreprises ont fait progresser de 4% leur valeur ajoutée entre 2008 et 2009 dans l'Hexagone. Enfin, autre chiffre intéressant, leur activité de recherche et développement toujours réalisée sur le territoire français a progressé entre 2008 et 2009 de 19%. Non seulement ce chiffre montre que nous avons des entreprises bien situées dans la chaîne de valeur au niveau de la R&D mais il me donne aussi un argument supplémentaire pour aller voir mes amis parlementaires en leur disant de ne pas triturer le crédit impôt recherche, qui est manifestement un des outils utilisés par les entreprises pour localiser sur le territoire français l'un des morceaux de la chaîne de valeur le plus critique

- Vous voulez aussi promouvoir les femmes dans les entreprises publiques...
- Oui, je me suis en effet ému du nombre très limité de femmes administrateurs dans l'ensemble des sociétés publiques. Or cela fait aussi partie de la façon dont on conçoit le rôle de l'Etat actionnaire. On a donc constitué depuis près d'un an un vivier de femmes susceptibles d'être administrateurs, soit parce qu'elles se sont exprimées sur le sujet et qu'elles ont fait valoir qu'elles étaient parfaitement légitimes, soit parce que nous les avons déjà identifiées, soit encore parce qu'elles siègent déjà dans des conseils d'administration. Aujourd'hui, cette écurie compte une soixantaine de femmes.
- Partagez-vous l'analyse faite par François Baroin, selon qui le bouclier fiscal est devenu " un symbole d'injustice" ?
- Si vous regardez le bouclier en technique fiscale, c'est un mécanisme de plafonnement qui a toute sa légitimité s'il est utilisé sans abus, sans excès. La fiscalité ne doit pas être confiscatoire. Ceci étant posé, le Président de la République l'a indiqué mardi aux parlementaires, le projet consiste en 2011, une fois passée la loi de finances, à se poser calmement la question de savoir comment on maintient la compétitivité de la France dans un paysage fiscal déséquilibré. L'idée, c'est d'essayer de rééquilibrer, vis-à-vis notamment de nos partenaires allemands.
- Et donc de retoucher la fiscalité du patrimoine, ou aussi l'impôt sur le revenu ?
- Il faut regarder en profondeur la fiscalité du patrimoine, tous les éléments. Le paysage est ouvert, l'horizon est large. Il faut regarder quels objectifs on a, sur le plan économique et sur le plan social, et voir comment on redessine, quelle assiette on prend... Mais je ne peux pas vous donner le détail d'une réforme fiscale qui va se discuter pendant la première moitié de l'année 2011.





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