Raciste, homophobe, sexiste, voilà la police telle que la décrit Sihem Souid, 29 ans et... policière. Dans son livre Omerta sur la police, la jeune femme dénonce les “dysfonctionnements” de la Police de l'Air et des Frontières, accentués par la politique du chiffre. Un réquisitoire sans précédent
vendredi 15 octobre 2010
LIVRE - Raciste la police ?
C'est par “vocation et par idéalisme” que Sihem Souid, française d'origine tunisienne, explique qu'elle est entrée dans la police. Major de sa promotion en 2006, elle intègre la police aux frontières. Elle s'accomode du racisme ordinaire - “Tiens voilà encore un avion de nègres”- jusqu'au jour où elle témoigne par écrit pour dénoncer la discrimination que subissent deux collègues homosexuelles. “C'est comme ça à la PAF d'Orly : on n'aime pas les "bougnoules", les "nègres", les "pédés" et les "gouines". C'est même conseillé de les détester. Cela facilite et accélère les promotions.” Cette déposition la fera passer “du statut de la fonctionnaire exemplaire à celui de l'incompétente doublée d'une fraudeuse”, estime-t-elle.
Alors la gardienne de la paix prend la plume. Dans son livre qui parait aujourd'hui, elle raconte par le menu ce qu’elle a vu et entendu pendant les trois ans et demi passés à la PAF de l’aéroport d’Orly, dans la banlieue sud de Paris.
Politique du chiffreA son poste d'adjointe administrative, Sihem connait les combines qui permettent à ses collègues de présenter des statistiques personnelles satisfaisantes. Abîmer volontairement un passeport permet de justifier un refoulement et d'améliorer son bilan du mois. De même, chaque touriste étranger doit disposer de 53, 27 euros en liquide à multiplier par le nombre de jours à passer en France. Une règle qui peut être appliquée strictement. Ces “abus de pouvoir”, qui visent certains étrangers lorqu'ils se présentent aux guérites, sont spécialement fréquents lorsqu'ils arrivent d'Afrique. Et que dire d'Antoinette, une Française d'origine congolaise placée en garde à vue, et qui s'est finalement retrouvée “nue dans une cellule, rabaissée, humiliée, déshumanisée, au point qu'une policière puisse filmer cette scène honteuse et barbare comme si elle était banale, ordinaire.”
CorruptionUn avionneur transportant un sans-papiers est passible d'une contravention de 5.000 euros si le clandestin est majeur, et de 10.000 euros s'il est mineur. Alors pour éviter cela, Sihem ne compte plus “les billets d'avion gratuits délivrés aux flics galonnés, les caisses de champagne offertes au patron de la PAF” qui “passe une semaine à Djerba, en Tunisie - un pays de bougnoules -, offertes par Tunis Air. Cadeaux et extras compris.”
Pour la création d'un comité d'éthiqueSihem Souid risque une condamnation et une révocation de la police pour avoir violé le secret professionnel. Interrogés sur son livre, les syndicats de policiers se disent “prudents”.“Je détiens toutes les preuves et je les tiens à disposition de quiconque” clame-t-elle. Suspendue de ses fonctions, elle a été réintégrée grâce à la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité).“Ce que j’ai fait est bien. J’aime la police. Je veux rester dans la police. Mais ce n’est pas à moi de partir. Pour vous dire à quel point je suis idéaliste, j’espère même que ce livre va permettre d’en finir avec les pseudo-enquêtes de la "police des polices" pour créer un vrai comité d’éthique de la police nationale. Comment voulez-vous qu’un citoyen soit exemplaire si un policier ne l’est pas?”
Omerta sur la police, Sihem Souid, Le Cherche Midi
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