Il est parvenu au pouvoir sous les vivats, mais il a peu à peu suscité une haine démesurée. Il a conduit une rupture nécessaire avec son prédécesseur, avec hardiesse et, au départ, habileté avant d'irriter les Français et de paraître perdre la main. Il est devenu la victime d'une presse déchaînée et de citoyens désenchantés qui l'ont cruellement identifié à l'argent roi, voire à l'affairisme. Il a mené une politique étrangère intelligente et résolue. Il connaissait comme personne l'opinion, ses fluctuations, ses faiblesses et les moyens de l'amadouer, et puis il a donné l'impression de l'oublier. Il manipulait avec adresse les hommes avant de s'enliser dans le choix d'un ultime Premier ministre. Il voulait fortifier le Parlement mais il ne se résolvait pas à partager son pouvoir : ces caractères qui pourraient s'appliquer à un autre, plus contemporain, ce sont ceux de Louis-Philippe, le dernier roi possible, selon sa propre évaluation.
Il fait l'objet d'une nouvelle biographie sérieuse, solide, bien étayée, due à Arnaud Teyssier (1). Louis-Philippe a été jusqu'ici beaucoup caricaturé, dénaturé, sous-estimé, y compris et surtout par les historiens. Cette nouvelle approche ne veut pas être un plaidoyer mais devient, par les faits, une réhabilitation. Pour les Français, Louis-Philippe, impitoyablement immortalisé par Daumier sous les traits d'une poire, reste le roi bourgeois, bon père de famille, pacifique, médiocre, éclipsé par la gloire impériale, assimilé aux déboires et à l'aveuglement de ses cousins Louis XVIII et Charles X. La réalité est pourtant toute différente.
Né sous Louis XV, mort en son exil anglais sous le prince-président, Louis-Philippe a été le plus intelligent et le plus clairvoyant des derniers monarques français. A Valmy et Jemmapes, lieutenant-général de 20 ans, il se conduit avec éclat et jamais il n'acceptera de porter les armes contre la France. Exilé, il mène une existence aventureuse et même périlleuse. Sous la Restauration, la branche aînée, qui se méfie à bon droit des Orléans, le tient à l'écart. Il passe pour libéral, moderne. Ovationné, porté au pouvoir dans l'allégresse en 1830, il croit enraciner la monarchie constitutionnelle en élargissant les libertés et les pouvoirs du Parlement mais, malgré des présidents du Conseil marquants - Casimir Perier, Molé mais surtout Thiers et Guizot -, il ne se contente pas de régner, il gouverne. Politique brillant, diplomate lucide, il est moins heureux en matière sociale. Et puis il s'embrouille dans ses virevoltes. Accablé par Chateaubriand, Tocqueville ou Lamartine, défendu par Hugo, Dumas, Renan, son règne, novateur au départ, s'achève dans l'indécision, le tumulte, le rejet. Injustement, inévitablement.
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