TOUT EST DIT

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vendredi 15 octobre 2010

Grève tactique

Nouvelle manifestation contre la réforme des retraites samedi, appel à la mobilisation le mardi suivant, les syndicats ne désarment pas. Pourtant, la question porte moins sur la durée d'un mouvement déclenché le 12 octobre que sur la façon d'arrêter un conflit, qui, de fait, tourne en rond. Le plus paradoxal est de constater que cette interrogation n'est pas seulement celle de l'exécutif, mais aussi et surtout celle d'états-majors syndicaux qui, jusqu'à récemment, n'ont jamais donné le sentiment de pousser les feux en direction d'une grève dure. Une attitude réaliste, liée à deux grandes séries de raisons que Bernard Thibault comme François Chérèque ont parfaitement identifiées. La première, c'est la redoutable efficacité de l'arsenal de dissuasion désormais dressé contre toute contestation longue, à savoir le service minimum dans les transports et le non-paiement des jours de grève. Il faut y ajouter l'enjeu spécifique de cette réforme pour l'avenir politique de Nicolas Sarkozy, qui lui interdit tout renoncement, limitant du même coup le pouvoir d'inflexion des grévistes. Deuxième série de raisons, la stratégie propre des syndicats, et singulièrement celle de la CGT. Bernard Thibault a compris depuis longtemps que l'avenir de son organisation ne réside plus dans la seule défense de ses bastions publics, qui lui fournissent encore un tiers de ses militants mais ne représentent plus que 5 % de la population active. S'il veut accroître ses parts de marché dans le secteur privé, seule voie d'avenir pour la CGT, il lui faut impérativement donner un visage moins radical à son syndicat. Tout se passe comme si les deux leaders restaient persuadés au fond d'eux-mêmes qu'ils ne gagneront pas sur le front des retraites. D'où une attitude ambiguë, ni outrancière ni modérée, qui donne leur caractère si étrange aux grèves du moment. Leur souci est avant tout de conserver un capital de crédibilité pour rebondir le moment venu sur le mécontentement. Car il ne faut pas s'y tromper : si la grève patine, voire décroît, le mouvement social, lui, reste puissant, comme en témoigne le nombre de manifestants mardi dernier, qui ne devrait guère diminuer les jours prochains. Un tremplin dont les syndicats pourraient se servir pour obtenir l'ouverture de négociations sur d'autres dossiers. La question des salaires, par exemple, pourrait rapidement resurgir dans le débat national, après deux années de disette imposées par la crise. Cette tactique n'est pas infaillible et reste soumise aux aléas de la rue. Les rassemblements lycéens, qui ont donné lieu à leurs premiers incidents, ou le blocage des raffineries pourraient faire voler en éclats cette subtile tactique qui n'est rien d'autre qu'une nouvelle preuve de la faiblesse de la médiation sociale dans notre pays.

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