Des chiffres et pas de lettre. Aucun mot d'explication, encore moins de signature au bas de la missive. C'est presque par lettre anonyme que les contribuables sont invités - le genre d'invitation qui se refuserait bien, à dire vrai… -à acquitter, le 15 octobre pour l'une, le 15 novembre pour l'autre, la taxe foncière et la taxe d'habitation. Ce devoir fiscal d'automne est d'autant moins une formalité que, après avoir bondi comme jamais l'an passé, les taux desdites taxes s'envolent encore en 2010, en particulier dans les grandes villes.
Si l'on y ajoute le produit, conséquent, de l'obscure taxe d'enlèvement des ordures ménagères, voilà une quarantaine de milliards d'euros qui vont passer en deux mois de nos comptes en banque à ceux des collectivités territoriales. Et qui entend les seigneurs de la République girondine au moment de prélever leur dîme ? Les exécutifs locaux ont moins de pudeur à expliquer, sur ces grands placards disposés le long de nos routes, qu'ici et là, ils « investissent pour [notre] avenir ».
Percevoir l'impôt local, voilà encore une tâche dévolue au Grand Percepteur qu'est l'Etat. Le risque est d'entretenir dans les esprits cette idée de plus en plus singulière d'un pot commun des impôts. Car il faut être contribuable avisé pour discerner, au dos de sa feuille d'impôt local, à en-tête de la Direction générale des finances publiques, que le percepteur n'est pas l'émetteur. A tout le moins, la maîtrise impérative des taxes communales, intercommunales, départementales et régionales devrait commencer par l'exercice imposé de la responsabilité de collecteur.
Bien sûr, l'heure n'est surtout pas à doter les pouvoirs locaux aujourd'hui, comme la Sécurité sociale hier, de leur propre administration fiscale. Mais il n'y aurait rien d'incongru à ce que chaque assemblée territoriale réclame son dû, fût-ce par chèque à l'ordre du Trésor public. Ce serait déjà un grand pas vers une responsabilisation des politiques fiscales locales. On peut attendre d'une mairie qu'elle agisse comme un hôpital, lequel adresse bien à ses patients une facture à régler au fisc.
Cette question de la perception de l'impôt local peut paraître mineure ; elle changerait la perception des impôts. Peut-être le maire de Paris, ministre communal du budget, aurait-il alors éprouvé le besoin d'expliquer à ses administrés, au moment de les taxer, les raisons qui l'ont poussé à relever de 8 % cette année la taxe foncière. L'Etat est bon prince d'appeler des impôts locaux qu'il ne perçoit pas, et dont le poids dans la richesse nationale a doublé en trente ans.
Jean-Francis Pecresse
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