Le Pape a entamé vendredi un voyage difficile dans un pays divisé et une région sous tension.
La belle lumière de Chypre, où Benoît XVI s'est posé, vendredi, pour trois jours de visite, est ternie par une «ombre». Elle a été évoquée, durant le vol, par le Pape lui-même devant les journalistes. C'est l'assassinat, mercredi, de Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique en Turquie, par son chauffeur turc, lui-même converti au catholicisme. Ce diplomate du Saint-Siège était très connu et très apprécié au Vatican, salué notamment pour sa capacité à «être toujours joyeux». «Je ressens une profonde douleur», a déclaré le Pape. Mais «cette ombre n'a rien à voir avec la réalité de ce voyage. Nous avons peu d'informations, mais ce n'est assurément pas un assassinat politique . Il ne peut, en aucun cas, obscurcir le dialogue avec tous qui est l'intention même de ce voyage .»
L'île de Chypre, majoritairement orthodoxe sur le plan religieux, reste en effet divisée par un mur de séparation entre un tiers de son territoire, occupé par la Turquie depuis 1974, et sa partie grecque, la République de Chypre, membre de l'Union européenne depuis 2004. Une situation crispée que le patriarche Chrysostomos II, chef de l'Église orthodoxe chypriote, a dénoncée sans nuance devant le Pape : «La Turquie a envahi de façon barbare 37 % de notre patrie et a pris le pouvoir par les armes. » Critiquant les «desseins obscurs» de la Turquie et son «plan de destruction national», il a accusé Ankara de vouloir «faire disparaître de la zone de Chypre occupée militairement tout ce qui est grec et chrétien». Dans cette lutte, il n'a pas hésité à solliciter le Pape pour une «coopération active ».
Préparer un synode inédit
Dans l'avion, toutefois, il avait anticipé cette question brûlante. «Je ne viens pas avec un message politique mais avec un message religieux , avait-t-il prévenu, pour préparer les âmes à trouver l'ouverture pour la paix .» Dans son esprit, il est en effet du rôle des religieux de préparer les cœurs, pour «faire ensuite les pas politiques nécessaires». Ce que le Pape appelle «l'ouverture intérieure à la paix ». Elle lui paraît être le préalable indispensable à tout accord politique.
Une méthode pour la paix qu'il entend aussi appliquer au Proche-Orient. Car cette entité géopolitique et religieuse est en fait l'objet principal de sa visite à Chypre, carrefour stratégique.
Ce qui l'a amené, avant même d'atterrir, à commenter l'actualité immédiate, à savoir l'interception dramatique, lundi par Israël, de la «Flottille de la paix» en route pour Gaza : «En tant que religieux, nous pouvons aider comme conseillers, mais le travail essentiel du Vatican est de toucher les cœurs. Le danger, dans ce genre d'épisode, est que nous perdions patience .» Citant le curé d'Ars, il a recommandé de «s'inspirer de la patience de Dieu ». Elle peut s'appliquer «même après tous ces cas de violence». D'où cet appel : «Il ne faut pas perdre la patience, le courage et la longanimité. Il faut recommencer, recommencer toujours. La paix est possible. La violence n'est pas la solution .»
Une méthode que le Pape voudrait aussi appliquer à long terme. Dimanche, à Nicosie, il va remettre un important «document de travail» aux représentants des Églises de cette région du monde. Il sera le texte fondateur d'un synode des évêques inédit, qu'il a convoqué pour l'automne à Rome sur «le Proche-Orient». Devant la presse, vendredi, Benoît XVI en a dessiné l'enjeu : soutenir la «visibilité» des chrétiens de Terre sainte pour les «aider à ne pas perdre l'Espérance et à rester dans cette région malgré la situation difficile». Et «développer une capacité de dialogue avec les musulmans».
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