Les six organisations syndicales – CGT, CFDT, UNSA, FSU, CFTC, Solidaires – qui ont appelé, jeudi 27 mai, à une journée nationale d'actions centrée principalement sur la réforme des retraites n'ont pas totalement réussi leur pari.
Selon les chiffres communiqués par la CGT, en fin d'après-midi, il y a eu un million de manifestants en France. Cela correspond à l'objectif que s'était fixé Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, qui voulait faire mieux que lors de la précédente journée d'action du 23 mars (800 000 manifestants) et faire oublier un 1er mai raté (380 000). Mais les arrêts de travail ont été peu suivis, notamment à la SNCF et dans les transports, et le 27 mai n'a ressemblé en rien à un "jeudi noir" qui aurait fortement perturbé l'activité économique du pays.
Les syndicats comptaient sur les dernières déclarations d'Eric Woerth, le ministre du travail, admettant explicitement la volonté de Nicolas Sarkozy, contrairement à ses engagements de candidat en 2007, de mettre à bas, dès le début de 2011, l'âge légal de départ à la retraite, instauré, sous la présidence de François Mitterrand, à compter du 1er avril 1983. Mais le fait que le projet ne soit pas tout à fait bouclé, alors qu'officiellement la concertation continue, et que larges zones d'ombres, en particulier sur le calendrier de la réforme ou encore le montant de la contribution de solidarité qui doit être demandée aux hauts revenus, demeurent ont nui à la mobilisation.
Dans les cortèges, les salariés du secteur privé comme les cheminots, dont les régimes spéciaux ne sont pas dans l'immédiat concernés, étaient peu nombreux alors que les fonctionnaires étaient plus fortement représentés. L'histoire des mouvements sociaux montre que les syndicats ne peuvent réussir à infléchir ou à contrer un projet gouvernemental que lorsqu'ils rencontrent une véritable adhésion de l'opinion publique, au-delà de celle qui s'exprime dans des sondages.
AMBIVALENCE DE L'OPINION
C'est parce qu'il y a eu cette convergence entre les syndicats et l'opinion publique que des gouvernements ont été obligés de reculer, qu'il s'agisse de Raymond Barre en 1980, sur le ticket modérateur d'ordre public pour les assurés sociaux, d'Edouard Balladur en 1994, sur le contrat d'insertion professionnelle, d'Alain Juppé en 1995, sur les régimes spéciaux de retraite, ou de Dominique de Villepin en 2006, sur le contrat première embauche (CPE).
Concernant la réforme des retraites, le rendez-vous a été, pour l'heure, manqué parce qu'il y a une vraie ambivalence de l'opinion : celle-ci exprime dans les sondages son attachement à la retraite à 60 ans mais prend aussi conscience que, du fait de l'allongement de l'espérance de vie, il va falloir travailler plus longtemps. Les précédentes réformes des retraites ont montré que la mobilisation était difficile sur le sujet.
En 1993, Edouard Balladur a fait passer sa réforme, concernant les seuls salariés du privé, en catimini pendant l'été. En 2003, le front syndical s'est divisé, en dépit d'une mobilisation assez forte, la CFDT ayant apporté sa caution à la réforme de François Fillon, qui allongeait la durée de cotisations y compris pour les fonctionnaires. En 2007, la réforme des régimes spéciaux de retraite s'est conclue par un "deal" entre Nicolas Sarkozy et la CGT qui a obtenu des compensations.
Le demi-échec du 27 mai résulte aussi de l'écart important, en termes de mobilisation, avec les manifestations unitaires de 2009 qui avaient réuni jusqu'à 2,5 millions ou même 3 millions de manifestants, selon les chiffres de la CGT. La division syndicale a également pesé, puisque FO a choisi de faire cavalier seul en organisant une grève interprofessionnelle le 15 juin.
Pour autant, Nicolas Sarkozy n'a pas encore gagné le partie et la déclaration du porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, relevant qu'avec une "faible mobilisation", la méthode de l'exécuif était "validée" est imprudente ou maladroite. Tous les dirigeants syndicaux parlent d'une étape, d'un palier ou, comme Bernard Thibault d'un "point d'appui" pour d'autres mobilisations. François Chérèque envisage même, après le congrès de la CFDT, du 7 au 11 juin à Tours, une "autre étape" qui pourrait avoir lieu, quand la réforme sera complètement bouclée, "fin juin ou début septembre ou les deux".
Sachant que la fin juin n'est pas le moment le plus propice, la plupart des dirigeants syndicaux comptent sur un regain de mobilisation en septembre, au moment où le Parlement débattra de la réforme des retraites. Une course de vitesse est engagée. Il s'agit pour chaque partie d'emporter l'adhésion de l'opinion. C'est loin d'être gagné pour les syndicats mais il serait prématuré de croire que Nicolas Sarkozy l'a d'ores et déjà emporté.
Michel Noblecourt
vendredi 28 mai 2010
Retraites : une mobilisation syndicale en demi-teinte
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