TOUT EST DIT

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vendredi 28 mai 2010

Réforme : le plus dur reste à faire

Le verre plutôt à moitié plein pour le gouvernement, à moitié vide pour les syndicats. La mobilisation a été importante sans être exceptionnelle, plus précisément sans être à la hauteur du défi lancé par le pouvoir. Avec la fin officialisée de la retraite à 60 ans, un enjeu à la fois politiquement très symbolique et financièrement très concret, les syndicats étaient condamnés à frapper très fort. Ils ont eu le bras légèrement trop court, sensiblement plus court en tout cas qu'en 1995 ou en 2003, en situation d'adversité comparable. Ils ont perdu une bataille importante mais sans être laminés, loin s'en faut. L'avenir de la mobilisation s'annonce incertain... même si la messe n'est pas dite.

Le gouvernement a montré en la circonstance une redoutable habileté manoeuvrière. En jouant à cache-cache avec l'opinion - délibérément par-dessus la tête des syndicats - il a instillé, en quelques jours, l'idée du report des 60 ans avant de larguer « la bombe » au dernier moment sur un terrain bien préparé, sans donner le temps de la riposte aux syndicats. En sanctuarisant les régimes spéciaux (SNCF, etc.) à l'abri d'une nouvelle réforme, il s'est aussi donné les moyens de déminer la grogne cégétiste dans son principal fief ; et d'affaiblir l'adversaire sur son point fort, le front cheminot. Quitte à prendre quelques libertés avec le sacro-saint principe de l'équité. À la guerre comme à la guerre !

Dans le même temps, les syndicats ont montré les limites actuelles de leur capacité mobilisatrice unitaire. Avec FO qui pratique en solo une surenchère radicale tactique à très hauts risques, la CGC qui renoue avec des fondements catégoriels qui l'isolent, la CFTC qui ne sait plus où elle habite depuis la réforme de la représentativité syndicale, ce n'était évidemment pas gagné pour cimenter un front uni et efficace. D'autant moins que le tandem CGT-CFDT s'adosse à un salariat ¯ et plus largement une opinion ¯ un peu insaisissable, pour le moins ambivalent. De sondages en sondages, les Français révèlent un fort attachement au dogme des 60 ans, un réel refus à travailler plus longtemps, mais ils se calfeutrent aussi dans une acceptation plus ou moins résignée du report de l'âge légal. Nettement plus sympathisants que militants, ils soutiennent majoritairement les manifestants, mais ils renâclent à passer à l'acte.

Nicolas Sarkozy devra tenir compte de cette imprévisibilité de l'opinion. Il n'empêche, il a plutôt bien franchi le premier gros obstacle syndical. Il a d'autant plus obligation de résultats, qu'il a désormais les mains relativement libres. Il lui appartient donc de réaliser une vraie réforme, non pas seulement rentable en monnaie politique, mais efficace économiquement et socialement juste. Et là, le compte n'y est pas, c'est peu dire. La surmédiatisation sur les 60 ans ne doit tromper personne.

Côté efficacité, le recul de l'âge légal à 62 ou 63 ans n'est qu'une solution très partielle et de court terme à la question de la survie du système par répartition. Il faudra d'autres mesures, forcément lourdes et impopulaires, pour être réaliste et crédible. Côté justice, la sanctuarisation des régimes spéciaux n'est pas le meilleur signal que le gouvernement pouvait donner aux populations les plus exposées par sa réforme. Elle accentue, a priori, les inégalités induites par le report de l'âge, au détriment de ceux qui ont trimé très jeunes dans des conditions professionnelles et salariales défavorables. Nicolas Sarkozy a les mains libres, soit... mais beaucoup de travail sur la planche.

Paul Burel

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