Sur les magnifiques pelouses du cimetière d'Arlington, à Was-hington, l'histoire militaire des États-Unis est gravée sur les tombes des soldats morts au combat, un peu partout dans le monde. Le visiteur repense, bien sûr, aux deux guerres mondiales, mais il mesure mieux également l'impact d'une guerre souvent oubliée, la guerre de Corée de 1950-1953, où plus de 36 000 soldats américains périrent, sous le drapeau onusien. Ils furent beaucoup plus nombreux dans le camp adverse. Ce fut, avec le Vietnam, l'un des conflits emblématiques de la guerre froide, et l'occasion pour la Chine, déjà, d'émerger comme nouvel acteur sur la scène internationale.
Plus d'un demi-siècle plus tard, le conflit entre les deux Corées n'est toujours pas résolu. Le 38e parallèle, version asiatique du Rideau de fer, sépare, aujourd'hui encore, le régime totalitaire et paranoïaque du leader nord-coréen, Kim Jong-Il, de la jeune démocratie sud-coréenne. On assiste même, depuis quelques semaines, à un regain de tension. Séoul, conforté par une enquête internationale, accuse la Corée du Nord d'avoir torpillé une de ses corvettes. Ce n'est pas la première bataille navale entre les deux pays, mais est-ce le casus belli que beaucoup redoutent ? Il y ressemble fort, tant, cette fois, les autorités sud-coréennes semblent résolues à ne pas subir, sans réagir, les provocations venues du Nord.
Ainsi, en l'espace de quelques jours, tout le travail de rapprochement et de détente qui avait été engagé depuis l'an 2000 entre les deux Corées, sous l'impulsion notamment de Bill Clinton, se retrouve pratiquement réduit à néant. Pyongyang a rompu, cette semaine, toute relation avec Séoul et mit ses troupes en état d'alerte. Côté sud, on réorganise la diffusion par haut-parleur de messages de propagande à destination de la zone frontalière. Les miradors se redressent. Les chancelleries s'inquiètent.
En 1953, le bras de fer par Corées interposées opposait les États-Unis et l'Union soviétique d'un Staline vieillissant. Aujourd'hui, Pékin a remplacé Moscou comme protecteur attitré du régime de Pyongyang. De toute autre manière, moins belliqueuse, mais néanmoins économiquement et stratégiquement décisive.
Le régime totalitaire de Kim Jong-Il ne survit, en effet, que sous perfusion chinoise. Pour les Chinois, c'est, comme on dit à Moscou, l'étranger proche. Or, le statu quo qui a perduré jusqu'ici arrange les dirigeants chinois. Et pour cause. L'une des hypothèses sur la table, l'effondrement de la dictature nord-coréenne, ouvrirait la voie à une réunification, synonyme elle-même d'extension de la démocratie sud-coréenne. Avec, aux portes de la Chine, les bases militaires américaines où plus de 28 000 GI's sont toujours stationnés.
Pékin ne veut pas pour autant de conflit à ses frontières. Les conséquences humaines et stratégiques, et peut-être avant tout économiques dans l'esprit de beaucoup, seraient désastreuses. Cela explique l'attentisme de ses dirigeants, qui ont promis à Hillary Clinton qu'ils allaient collaborer pour désamorcer un possible conflit, tout en temporisant avant de reconnaître la responsabilité de Pyongyang. Demain, un sommet tripartite - Chine, Japon, Corée du Sud - aura lieu à Séoul. L'occasion pour les responsables chinois de calmer le jeu et de marquer un peu plus de leur empreinte les règles du jeu dans la région. L'occasion aussi pour les Américains de tester le réel degré de collaboration auquel les Chinois sont disposés.
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