Le ministre du Budget Jérôme Cahuzac a confirmé jeudi, comme l'avait annoncé Le Monde, que les lettres de cadrage envoyées aux ministères prévoient, au total, des économies "un peu supérieures" à 4 milliards d’euros. Un effort budgétaire important, mais pas forcément suffisant pour réformer un État toujours omnipotent.
samedi 9 mars 2013
Alerte à l’obésité publique : l'État finit-il par ne plus servir qu'à lui-même ?
Éric Verhaeghe : Croire que l'utilité de l'État soit de sortir les Français de la crise est quand même un bel acte de naïveté.
La justification de l'État, sa raison d'être, sont d'abord, et peut-être faut-il dire uniquement, d'apporter un certain nombre d'externalités nécessaires à l'organisation de la société. Ces missions régaliennes de l'État sont bien connues depuis des siècles : la sécurité, la loi, la justice, la défense nationale, les relations avec les autres États. Pour tout cela, il faut un budget et donc un impôt. On notera d'ailleurs que l'idée d'une contribution universelle de tous les citoyens au financement de l'État s'est imposée avec la Révolution française. Sous l'Ancien Régime, les finances royales ne s'appuyaient pas sur un impôt à connotation citoyenne.
A ces missions régaliennes historiques, à ce noyau dur, d'autres missions se sont ajoutées au fil du temps, essentiellement à partir de la Révolution. Par exemple, la monarchie de Juillet a inventé l'administration de la culture et a considéré que l'État avait vocation à protéger le patrimoine. La IIIe République a annexé dans ce périmètre l'ensemble des politiques éducatives. Et la IVe République y a ajouté la solidarité, qui explique le lancement du RSA ou la tutelle publique sur la sécurité sociale.
Dans cette énumération, la politique économique n'apparaît pas en tant que telle. Il n'est pas sûr qu'elle n'ait jamais été une prérogative de l'État, au sens régalien du terme. Que l'État soit chargé de lever l'impôt, personne n'en doute. Qu'il soit chargé d'assurer le bon fonctionnement de l'économie est plutôt une attente moderne, épisodique et incertaine.L'expérience du Commissariat au Plan, qui a survécu jusqu'en 2006, mais avait perdu sa légitimité depuis une vingtaine d'années, le montre. Au sortir de la guerre, il existait un consensus pour attendre de la puissance publique une action forte destinée à relancer la production. Mais la crise de 1974 a sapé ce consensus, et l'idée s'est imposée d'une mise à l'écart de l'État dans le fonctionnement de l'économie.
Depuis cette époque, la seule véritable politique économique qui est suivie est celle du déficit budgétaire. On notera avec intérêt que, depuis 1974, les outils permettant à un État d'intervenir dans le fonctionnement économique ont été transférés à l'Union et globalement neutralisés. C'est le cas de la politique monétaire qui est définie par les banquiers de Francfort, sans considération des objectifs politiques poursuivis par les gouvernements nationaux. C'est le cas de la politique budgétaire qui est encadrée, depuis Maastricht, et cet encadrement ne cesse de se renforcer. Juridiquement les États n'ont plus la faculté d'agir pour sortir un pays de la crise.
Face au coût social de cette évolution, les missions régaliennes retrouvent paradoxalement toute leur utilité. Il est très probable que, dans les mois, et peut-être même dans les semaines à venir, disposer d'une police bien équipée et bien organisée comme l'est la police française apparaîtra comme un outil essentiel à la régulation des rapports sociaux.
Éric Deschavanne : Il faut distinguer l'État et le gouvernement. Ce qui est en crise, en Europe, c'est la politique nationale. La crise politique italienne représente à cet égard un avant-goût de ce qui nous attend. Le décalage est tel entre la rationalité technocratique (qui intègre les contraintes de la mondialisation et de la politique européenne) et les attentes des peuples (qui s'expriment à l'occasion des élections nationales) que nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises. Depuis trente ans, les Français congédient leur gouvernement à chaque élection. Ils n'en peuvent plus de l'impuissance publique. Ce n'est toutefois pas le rôle de l'État qui est mis en cause, bien au contraire. La formule de Jospin, "l'Etat ne peut pas tout" (propos frappé pourtant au coin du bon sens le plus élémentaire), représente au regard de la classe politique dans son ensemble le repoussoir absolu : les Français ne veulent pas l'entendre ! L'État est plébiscité dans son rôle de puissance protectrice face aux vents destructeurs de la mondialisation.
La réforme de l'État, qui vise à rendre celui-ci plus efficient, est un impératif économique, c'est entendu. En France, elle se heurte toutefois à de nombreux obstacles : blocage des fonctionnaires, dans un pays où le clivage entre secteur abrité et secteur exposé à la concurrence pèse sur le débat public ; blocage des élus, qui fait suite à une décentralisation pour le moins imparfaite, qui a conduit à l'inflation du nombre des fonctionnaires au sein des collectivités locales ; blocage de l'opinion publique, favorable à un État fort et protecteur. C'est la gouvernabilité, non l'État, qui aujourd'hui fait vraiment problème. Avant d'affirmer que la réforme de l'État est impossible, il faudrait tenter de concevoir une réforme intelligente. Une approche purement comptable de la réforme n'a aucune chance d'aboutir. Une réflexion et une délibération publiques sur la hiérarchie des besoins publics et des missions de service public, sur le partage des rôles entre les différents échelons administratifs ainsi qu'entre le secteur public et le secteur privé sont nécessaires. Il n'est malheureusement pas certain que les conditions soient réunies pour qu'elles deviennent possibles.
Alexandre Melnik : La globalisation du XXIe siècle (fondamentalement perçue comme un "nexus of people, places and ideas") s’impose comme la quintessence des décennies à venir, en bousculant toutes les certitudes du passé. Cette métamorphose du monde, quasiment inédite dans l’histoire de l’Humanité (sans doute, seulement les périodes de la Renaissance et de la première révolution industrielle pourraient être mises en parallèle avec la situation actuelle), rend obsolète les fondamentaux mêmes du "modèle français", qui repose, historiquement, sur un État centralisateur et dominateur. Relativement efficace, à un moment donné, de l’évolution française (Louis XIV, Napoléon, les Trente Glorieuses), ce modèle ne répond absolument pas aux défis de notre temps. En ce début du nouveau millénaire, dans un monde de plus en en plus aplati par les nouvelles technologies qui explosent les notions de temps et d’espace, un État, qui se veut omniprésent sans en avoir les moyens, se trompe de siècle, devient obèse, lourd, lent, inopérant et, en dernier ressort, contre-productif pour une nation qu’il est censé servir. Il devient le contraire de sa vocation initiale. Un Léviathan "new look", sous la plume de prémonitoire de Thomas Hobbes.
Quel est concrètement et techniquement son rôle aujourd'hui ? Quelles sont ses fonctions précises ? En est-il encore à la hauteur ? Où réussit-il ? Où pêche-t-il ? Où doit-il rester totalement incontournable ?
Éric Verhaeghe : Il me semble que la fonction la plus importante aujourd'hui est aussi la moins visible, la moins mesurée et la plus dévorante qui soit : l'État sert d'abord à élaborer des règles de droit. Les Français ont une vision de leur État qui commence à dater : ils imaginent des cohortes de ronds-de-cuir inutiles qui rédigent des lettres dans des bureaux. Cette image est fausse. Sur les 2 millions de fonctionnaires de l'État (je mets ici à part les hôpitaux et les collectivités locales), une moitié sert en principe à enseigner. L'autre moitié sert surtout à élaborer des règles de droit et à les faire respecter. Chaque année, la France produit 30 000 pages de textes réglementaires. Ce volume ressemble à l'univers : il est en expansion constante. Assez logiquement, il faut de plus en plus de fonctionnaires pour contrôler l'application de ces textes. Les autres missions, comme la construction des routes, la préparation des repas dans les écoles, l'accompagnement des nécessiteux, ont été transférées aux collectivités locales.
Deux questions de fond se posent donc : l'Éducation nationale est-elle performante ? L'État établit-il de bons règlements ?
Concernant l'Éducation nationale, nous vivons la formidable époque du roi nu : chaque parent sait que l'enfant qu'il confie à l'école publique entame un processus d'une durée moyenne de 15 ans par lequel il sera socialement sélectionné, intellectuellement formaté et moralement construit autour d'une vision complètement dépassée et inadaptée au monde contemporain. Tout le monde sait, mais le silence règne.
Là encore, ayons le courage de dire qu'un ministre du XXIe siècle dont le modèle dominant est celui de Jules Ferry, qui vivait à une époque où il n'y avait ni électricité dans les rues, ni ordinateur, ni télévision, pose problème. Là encore, ayons le courage de constater que l'Éducation nationale est devenue le pré carré d'enseignants qui ont assimilé les réflexes du clergé sous l'Ancien Régime: règne de l'entre-soi, stratégie de la forteresse assiégée, conservatisme de l'habitude et de la routine largement répandu. J'adresse ici une pensée émue aux nombreux enseignants qui croient à leur métier, qui cherchent à s'y épanouir, et qui se font broyer par un système dont le mot d'ordre est déresponsabilisation collective et individuelle.
Concernant la performance de nos normes juridiques, il y a de quoi écrire un livre. J'en dirais simplement deux choses: une provocation et une pensée de sympathie.
La provocation d'abord : j'ai coutume de dire - et vous savez que j'ai traîné mes guêtres dans la fonction publique - que quand on recrute un fonctionnaire, qu'on l'installe dans un bureau sans lui donner d'ordinateur, ni de papier, ni de crayon, et sans lui confier aucune mission, à la fin de la journée il a inventé une règle à appliquer. Le lendemain, il rédige une circulaire d'application. Le surlendemain, il contrôle sa mise en oeuvre. Et au bout de trois mois, il vous demande deux recrutements nouveaux pour l'aider dans sa tâche. Depuis trente ans, ce réflexe réglementaire est épaulé par le pouvoir politique: à chaque problème qui apparaît dans la société, on annonce une loi nouvelle pour le régler, avec une commission ou un haut conseil pour s'assurer que la loi est appliquée. Face à cette folie, j'ai une règle de vie : je n'applique jamais spontanément la loi. Si personne ne s'en aperçoit, c'est que la loi est inutile et qu'elle peut être supprimée.
La pensée de sympathie ensuite : je pense notamment aux règles d'indemnisations des chômeurs qui sont bâties dans l'urgence et dans un triste désordre. Face à ce corpus mal ficelé, les services de Pôle Emploi sont démunis et forcément surchargés. Car une mauvaise loi appelle une recrudescence de contentieux et de défauts dans son application. Ce sont les agents de Pôle Emploi qui, au jour le jour, en paient le prix, ce qui embolit complètement l'accompagnement des chômeurs.
Éric Deschavanne : S'agissant du rôle de l'État, l'histoire et la philosophie politique permettent d'apporter des réponses. Il n'y a pas de démocratie ni même d'ordre social possibles, comme on peut l'observer a contrario dans certains pays d'Afrique, sans l'État "régalien", lequel assure les fonctions fondamentales de police, de justice et de défense. Les libéraux défendent parfois encore cette version de l'État minimal, de l'État "veilleur de nuit". Le grand paradoxe historique de la modernité tient au fait que, en dépit de l'antagonisme idéologique du libéralisme et du socialisme qui a structuré la vie politique au cours des deux derniers siècles, plus la société devient libérale, plus le champ d'intervention de l'État s'étend. Tocqueville avait entrevu la clé de l'énigme : la déconstruction de l'ancien ordre social aristocratique émancipe les individus, lesquels sont d'autant plus faibles et impuissants qu'ils sont indépendants. Le suffrage universel, qui fait de chaque individu un actionnaire de l'État, fut historiquement le levier politique qui a permis l'essor de l'État-providence. L'éducation et la santé sont aujourd'hui les deux missions de service public les plus importantes, par lesquelles l'État se met au service des familles et des individus. Il faut ajouter une fonction moins apparente, mais essentielle : le pilotage de sociétés en mouvement perpétuel, dans un contexte où l'adaptation au changement historique et la préparation de l'avenir représentent des enjeux vitaux. La planification remplissait cette fonction, avant qu'elle n'entre en crise, du fait précisément de l'accélération de l'histoire.
L'État est victime de son succès. Le sentiment de l'impuissance publique se nourrit pour une part de l'insatisfaction relative aux immenses et multiples attentes à son endroit. La paupérisation de la justice et les coupes dans le budget de la défense s'expliquent par le caractère budgétivore de la protection sociale. En matière de santé publique ou d'éducation, on peut sans doute faire le procès de la fonction publique sur bien des points :il n'empêche que les difficultés sont davantage imputables à la croissance des exigences de la société qu'aux défaillances de l'État. Il faut donc faire la part entre la nécessité objective de la réforme et le "syndrome d'Iznogoud". Sans doute trop gros et trop mou, l'État se voit fustigé en raison de son impuissance par une masse de petits individus exigeants qui lui adressent une foule de demandes toujours plus impérieuses et pressantes. Mais il n'a au fond rien perdu de sa légitimité. Que reproche-t-on à l'État ? Sa lourdeur, sa rigidité, son coût, son manque d'efficacité et d'efficience. Tout cela n'est pas nouveau. Ce qui a changé la donne, c'est d'une part l'inflation de la demande sociale, d'autre part l'intensification de la contrainte économique due à la mondialisation.
Alexandre Melnik : Incapable se réformer de l’intérieur, imperméable aux appels de la société civile, sourd aux attentes des jeunes générations, cet État fonctionne dans le vide, en servant avant tout ses propres collaborateurs qui s’accrochent, à leur tour, au périmètre, de plus en plus étriqué, de leurs intérêts et privilèges personnels, comme s’ils vivaient sur île déserte miraculeusement protégée des tempêtes de la globalisation. Du coup, les corporatismes se crispent, les blocages se renforcent, et - le comble ! - le leadership politique, lié par un cordon ombilical avec cet État en retard d’une époque, s’enfonce dans un déni de réalité, à des années-lumière des réelles aspirations de la société qui, elle, épouse mieux la trajectoire du changement. Résultat : un fossé, grandissant, se creuse entre État et société, et un pays, qui ne s’adapte pas à la globalisation, rejoint les rangs des "losers" du XXIe siècle. Le système soviétique avait d’ailleurs déjà expérimenté ce décalage entre sa nomenklatura et le reste de la population, et ce, avec le résultat que l’on connaît…
Doit-on en déduire que la globalisation en cours sonne le glas de l’État en général ? Ma réponse est non. L’État n’a pas vocation à disparaître, à condition que, dans ce nouveau monde, il puisse se remettre en cause, se réinventer sur ses bases ayant inspiré et façonné sa genèse. A savoir, au lieu de servir lui-même dans une sorte de vase clos artificiel, il doit retrouver sa vocation première, conceptualisée par les Lumières : servir la société, valoriser l’Être Humain, en se projetant résolument dans l’avenir pour ouvrir un nouvel horizon à ses futures élites, en les encourageant et les accompagnant dans leur permanente "race to the top" individuelle, qui ne s’effectue pas au détriment de l’Autre, mais pour son bien.
Un État qui réussit dans la globalisation, c’est un État qui intègre le changement permanent dans son logiciel mental et son mode de fonctionnement. Changement comme condition sine qua non de toute stabilité recherchée dans le XXIe siècle. Un État moderne, c’est un État humble, ouvert, flexible, humaniste, au service de la société. Un État "coach" qui inspire et encadre l’innovation. Un État "manageur" qui privilégie le modèle "bottom -up", le seul qui fonctionne aujourd’hui, au lieu de la méthode "top-down", appartenant définitivement à une période révolue. Un État qui permet à chaque individu, indépendamment de ses origines et de son terreau culturel initial, de cheminer vers son épanouissement, à l’intersection de sa vie professionnelle et privée.
Est-ce possible ? Ma réponse est oui. Pour cela, il faut que le politique reprenne ses lettres de noblesse au sein du concept de la fonction publique, réactualisé dans un univers international où l’on constate la dichotomie entre l’économie qui est déjà globale, une et indivisible, et la politique, supposée la réguler, mais qui reste nationale et compartimentée par les États. Bien entendu, la reconquête politique que je préconise n’a rien à voir avec une politique à la petite semaine, sous l’emprise des calculs électoraux, flirtant avec le populisme (à l’exemple des derniers développements en Italie). Ni avec celles des bureaucrates, prisonniers d’un statu quo.
Éric Verhaeghe : Je crois avoir suscité pas mal d'irritation dans le sérail de la haute fonction publique en publiant dans vos colonnes, cet automne, des articles qui pointaient le traitement de faveur dont bénéficiaient les services centraux de certains ministères. Alors que les réductions de budget sont générales, la haute fonction publique s'est beaucoup exonérée des efforts qu'elle impose au petit peuple. Car c'est aussi cela le service public : des logiques de caste qui polluent la mission d'intérêt général. Alors que, sans vergogne, on a supprimé de nombreux postes d'enseignants ou de policiers sur le terrain, la Cour des comptes a évité les suppressions d'emplois au nom de sa charge de travail, et le Conseil d'État a augmenté ses effectifs dans des proportions astronomiques.
Si des déviances contraires à l'esprit républicain se produisent de façon aussi choquante, c'est d'abord parce que la haute fonction publique est obsédée par sa politisation et ses intérêts immédiats, sans considération de l'intérêt général, et avec une notion très lointaine du service aux citoyens.
Éric Deschavanne : Lorsque les syndicats de fonctionnaires brandissent l'étendard de la "défense du service public", on soupçonne, à raison la plupart du temps, la présence d'une motivation réelle tout autre, de nature "corporatiste" comme on dit (défense d'un intérêt particulier, d'un avantage acquis). Il ne faut pas être dupe, mais demeurer indulgent : la défense de l'intérêt particulier n'est pas le propre du fonctionnaire, et celle-ci n'est de surcroît pas illégitime en soi. Cette critique ne met toutefois pas en cause la légitimité de l'État, puisqu'elle se borne simplement à souligner la difficulté de ses services à satisfaire convenablement leurs missions. On en revient donc toujours au même problème, celui de la gouvernabilité.
Éric Verhaeghe : La question est un peu hasardeuse. Référons-nous à l'histoire pour y répondre. Nous avons connu plusieurs épisodes où l'incapacité de l'État à se réformer réellement débouchait sur des catastrophes majeures. 1940 est l'étape la plus récente, mais on peut citer 1870 ou 1789, même si je considère que 1789 fut une formidable opportunité pour la France, grâce à laquelle le pays a atteint l'apogée de son rayonnement international. Dans les années 1780, c'est la crise de la dette qui a cristallisé le délitement de l'État lui-même. En 1870 et en 1940, la cristallisation est venue de notre perte de compétitivité par rapport à l'Allemagne. Je laisse aux lecteurs le soin de choisir la référence qui leur convient.
Éric Deschavanne : La mondialisation ne met pas seulement en concurrence les entreprises, mais également les sociétés, et leurs États. Le temps où l'État pouvait apparaître soustrait aux exigences de la compétition généralisée est en passe d'être révolu. La crise des dettes publiques symbolise cette situation nouvelle, dans la mesure où elle met en lumière la dépendance des États à l'égard des marchés financiers. Plus essentiellement, la réforme de l'État sera commandée par l'exigence de compétitivité, à court mais surtout à long terme. Ce sera la grande cause nationale des vingt prochaines années. L'alternative est entre le déclin ou le sursaut, l'exacerbation des conflits ou l'élaboration d'un grand projet politique national consensuel : la sauvegarde des missions de service public dépend de la sauvegarde de la prospérité économique; la défense de notre protection sociale passe par notre capacité à adapter notre État aux contraintes de la compétition économique.
Alexandre Melnik : La politique salutaire à la renaissance d’un État moderne, c’est, dans mon esprit, une vision de l’Être Humain, fort de sa dignité et de sa liberté. Et aussi une action, volontariste, qui en découle. Qui donne du sens aux jeunes générations en quête de repères. Le politique des valeurs existentielles, incarné par des personnages hors du commun, en dehors de tout plan de carrière. A l’instar de Vaclav Havel et de Nelson Mandela. Ou encore de Jean Monnet. Ce dernier, injustement mal connu en France, à impulsé par une démarche quasi personnelle, un souffle salvateur à une Europe exsangue, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale.
Se remettre en cause et de se réinventer, c’est plus qu’un souhait pour un État de demain. C’est l’impératif de sa survie, à un moment où la civilisation humaine ne vit plus un changement du monde, mais un changement de monde.
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