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samedi 9 mars 2013

La " Chindiafrique " et la désoccidentalisation du monde

La " Chindiafrique " et la désoccidentalisation du monde


Il y a encore des Français qui pensent que le Soleil tourne autour de la Terre, qui elle-même est en orbite autour de notre pays. Ils ont les solutions à tous nos problèmes. Des solutions qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité et passent par l'inflation, la fin de l'euro ou de l'Europe, sans parler de la désastreuse relance par la consommation populaire qui ne profite qu'aux produits chinois.
Nous voilà en pleine pensée magique. La France, comme tant de pays européens, à commencer par l'Italie, ne s'en sortira pas en refusant l'assainissement financier, unique moyen de recouvrer de la croissance. Elle ne pourra pas non plus inverser, seule, les vents de l'Histoire. Même si l'Allemagne, la Suède et leurs voisins du Nord seront relativement épargnés pour avoir déjà versé le sang et les larmes de la rigueur, les autres sont entrés dans un nouveau cycle, celui des "années pleureuses".
Nous autres Européens ne revivrons pas avant très longtemps ces Trente Glorieuses où la croissance se déployait à partir d'un prix du baril de pétrole (soit près de 159 litres) à seulement 2 dollars. Le monde a changé. Le rapport des forces n'est plus comme avant, quand, avec l'impériale Amérique, nous étions, poches et panses pleines, les maîtres du monde après Dieu.
Pour comprendre le monde de demain, il faut accepter de tomber de si haut qu'on a du mal à s'en remettre si on n'a pas été préparé auparavant. C'est pourquoi la lecture de "Chindiafrique" (1), le livre de Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski, est absolument indispensable. Elle devrait être obligatoire pour les lycéens, les économistes ou les syndicalistes qui dégoisent contre la "flexisécurité". Sans oublier les politiciens, qui, ces temps-ci, ne savent plus où ils habitent.
Leur grande erreur est de se croire toujours en 1950, quand, avec un tiers de la population terrestre, le monde occidental pesait les deux tiers du revenu mondial, système confortable qui, en pompant les matières premières des pays en voie de développement, nous a bien profité. Depuis, toutes les cartes ont été rebattues. Le nouvel ordre mondial est arrivé, il faut tout partager avec l'ancien tiers-monde. Le pouvoir, les richesses, les matières premières. Telle est notre tragédie.
Il est temps pour les Français de remettre leurs montres à l'heure et d'accepter l'idée que l'avenir n'est pas du présent qui se perpétue et qu'il rompt même souvent avec le passé. C'est ainsi qu'en 2030 la part de la Chine, de l'Inde et de l'Afrique dans la richesse mondiale devrait passer de 25 à 40 %. C'est ainsi encore qu'en 2030 elles représenteront la moitié de l'humanité : entre 4 et 5 milliards d'individus à elles trois. Chacun son tour. La "Chindiafrique" aura incessamment sous peu la capacité d'exercer sa suprématie sur la Terre.
La désoccidentalisation du monde est en marche ; rien ne l'arrêtera. La nouvelle est énorme, mais elle a été si peu commentée que l'on pourrait croire qu'elle nous a été cachée. Jusqu'à ce que Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), déclare, le 1er mars : "L'année dernière, c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que la production des pays développés a été inférieure à celle des pays en développement." En 2012 aussi, ces derniers ont attiré plus d'investissements que les pays riches (680 contre 549 milliards de dollars).
C'est dire si nos vieux schémas sont dépassés. Tous les équilibres de la planète sont bouleversés comme à l'heure du Jugement dernier, quand les premiers deviendront les derniers : la Chine, l'Inde et l'Afrique ne cessent de marquer des points, tandis que l'Europe et les Etats-Unis se laissent tailler des croupières.
Sans doute est-ce là un juste retour des choses : la Chine et l'Inde ont dominé le premier millénaire de l'histoire de l'humanité, jusqu'à représenter, au XVIIe siècle, les deux tiers de l'économie mondiale. Au siècle suivant, tout bascule : dans la foulée des révolutions politique, industrielle et démographique, la part de l'Europe dans la richesse mondiale est passée du quart à la moitié.
Il ne faut pas le dire, c'est péché, et on s'excuse d'écrire ce vilain mot qui fait trembler d'horreur tant de bons citoyens, mais c'est bien la libéralisation de l'économie qui a assuré le décollage de la Chine, à partir de 1979, puis de l'Inde, au début des années 80. Elle a également assuré l'insolente résurrection de l'Afrique, qui aujourd'hui fait mentir tous les pronostics.
Désormais, la France est devenue l'un des maillons faibles d'un Occident en plein déclassement.Elle n'a aucune raison de désespérer si elle accepte la réalité, fait le deuil du monde d'avant et se concentre sur ses atouts que sont le luxe, l'aéronautique, le tourisme et l'agroalimentaire. Il n'y a pas d'autre façon de rester sur le manège qui tournerait aussi bien sans nous et sur lequel la "Chindiafrique" sera en droit, demain, de réclamer les meilleures places.




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