TOUT EST DIT

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dimanche 17 juin 2012

Crise : le monde en route vers la tempête parfaite...

Europe, Etats-Unis, Chine : la conjoncture économique a rarement réuni autant de paramètres inquiétants selon Nouriel Roubini, l'économiste américain qui avait prédit la crise des subprimes de 2008.
La flambée des taux d'interets en Europe s'inscrit dans un contexte politique électrique de tensions au sein du couple franco-allemand. Mais l'Europe n'est pas la seule à traverser une tempete économique. La croissance chinoise montre des signes de faiblesse, tandis que les Etats-Unis subissent un inquiétant ralentissement de la création d'emploi.
Ce contexte a éveillé la fibre prophétique de Nouriel Roubini, économiste américain et prophète de la crise des subprimes de 2008, qui s’est risqué à une nouvelle prédiction funeste. Selon lui, l'année 2013 pourrait réunir suffisamment de circonstances exceptionnelles à une crise globale qui n'épargnera personne.
Selon le spécialiste, le ciel s’est brutalement assombri sur le monde économique, plombé par une série de mauvaises nouvelles provenant de toutes les directions géographiques. Tout d’abord, la crise de l’euro s’aggrave. Un euro qui reste obstinément fort, des mesures d’austérité qui accentuent la récession dans de nombreux pays membres, un resserrement du crédit à la périphérie et les prix élevés du pétrole, sont autant de facteurs qui plombent les perspectives de reprise économique. 
"Le système bancaire de l’eurozone se balkanise, alors que les lignes de crédit sont coupées entre les pays et entre les banques, et la fuite des capitaux pourrait bien se muer en véritable panique pour les banques périphériques, si, et c’est très probable, la Grèce procédait à une sortie désordonnée de la zone euro", précise Roubini.
Les pressions sur les dettes souveraines s’aggravent, alors que les taux d’intérêt pour l’Espagne et l’Italie ont renoué avec leurs pics insoutenables. Ainsi, un plan de sauvetage international des banques (comment récemment pour l’Espagne) pourrait ne pas suffire à la zone euro, qui pourrait avoir besoin d’un plan de sauvetage des dettes souveraines, dans un contexte où les pare-feu internationaux échouent à soutenir efficacement l’Espagne et l’Italie. Une rupture désordonnée de la zone euro reste donc dans l’ordre des possibilités de la zone euro.
L'économiste note qu'à l’Ouest, la performance économique des Etats-Unis s’affaiblit, avec un misérable taux de croissance au premier trimestre de 1,9%. La création d’emploi s’est affaiblie en avril et mai à tel point que les Etats-Unis pourraient atteindre la vitesse de décrochage d’ici la fin de l’année. Pire, le risque d’une récession en double creux l’année prochaine s’accentue. 
"Le blocage politique au sujet de la réforme fiscale risque de perdurer", s'inquiète Roubini, et ce quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, et que ce soit Barack Obama ou Mitt Romney qui remporte l’élection. A cela s’ajoutent "de nouvelles batailles autour du plafond de la dette, et des abaissements de notes pourraient amenuiser un peu plus la confiance des consommateurs et des investisseurs, réduisant ainsi les dépenses et accélérant une fuite des capitaux, le tout exacerbant la chute des marchés d’actions."
A l’Est, la situation n’est pas bien meilleure, en pleine éclatement de la bulle immobilière chinoise. L'économiste considère que le modèle chinois de croissance est insoutenable, et pourrait tomber à l’eau d’ici 2013. La crise d’investissement se poursuit et les réformes mises en place pour soutenir la consommation sont une réponse trop faible et trop tardive. Le nouveau leadership chinois doit accélérer les réformes structurelles pour réduire l’épargne nationale et la part de la consommation dans le PIB.
Le ralentissement économique aux Etats-Unis, dans l’eurozone et en Chine constitue déjà un frein considérable pour la croissance d’autres marchés émergents, en raison de leurs échanges et de leurs liens financiers avec les Etats-Unis et l’Union européenne.
 Pour ne rien arranger, Nouriel Roubini note que les tensions nourries de longue date au Moyen-Orient entre Israël et les Etats-Unis d’un côté, et l’Iran de l’autre au sujet de la prolifération nucléaire pourraient atteindre un point culminant en 2013. Les négociations actuelles risquent d’échouer, et même des sanctions accrues risquent de ne pas suffire à arrêter l’Iran dans sa tentative de fabriquer des armes nucléaires. Une confrontation militaire en 2013 mènerait à un pic historique des prix du pétrole et une récession globale.
Ces risques exacerbent déjà le ralentissement économique, note l’économiste : les marchés boursiers sont déjà en perdition un peu partout, entrainant des effets néfastes sur la consommation et les dépenses de capitaux. Les couts d’emprunt montent pour les plus endettés, le rationnement du crédit mine les petites et moyennes entreprises, et les prix des matières premières en baisse réduisent les revenus des pays exportateurs.
L’aversion pour les risques mène les agents économiques à adopter la stratégie du « attendons pour voir », qui rend le ralentissement économique partiellement auto-réalisateur.
Mais l’inquiétude majeure vient peut-être du manque de perspectives optimistes pour l’avenir.
Le spécialiste compare la situation à celle de 2008-2009. A l’époque, les décideurs avaient une large marge de manœuvre pour agir. Aujourd’hui,  les autorités monétaires et fiscales commencent à manquer de munitions législatives (ou, plus cyniquement, de « lapins législatifs à sortir de leurs chapeaux »). La politique monétaire est contrainte par la proximité des taux d’intérêt zéro et plusieurs phases répétées d’assouplissement quantitatif.
Certes, les économies et les marchés ne rencontrent plus de problèmes de liquidités, mais plutôt des crises de crédit et d’insolvabilité. Dans le même temps, les déficits budgétaires insoutenables et la dette publique dans les économies les plus développées ont sévèrement limité le champ possible de stimuli fiscaux à venir.
La tactique consistant à utiliser les taux de change pour booster les exports est un jeu à somme nulle, dans le contexte actuel, où le désendettement public et privé diminue la demande domestique dans les pays en déficit, et où des problèmes structurels ont les mêmes effets dans les pays en surplus.
Après tout, rappelle Roubini, une monnaie plus faible et une meilleure balance commerciale dans un certain pays implique nécessairement une monnaie plus forte et une balance commerciale plus faible dans un autre pays.
Pour couronner le tout, la capacité à protéger les banques est contrainte par les politiques et l’incapacité pour des états presque insolvables à absorber des pertes supplémentaires de leurs systèmes bancaires. Le risque souverain est donc en train de devenir un risque bancaire. Car les Etats déversent une fraction toujours plus importante de leur dette publique sur le bilan des banques, en particulier dans la zone euro.
Que faire ? Pour éviter un démantèlement désordonné de la zone euro, l’austérité fiscale devrait être bien plus graduelle, selon Roubini. Opposé à la politique allemande et plus proche de la position française, le spécialiste estime qu’un pacte de croissance devrait compléter le nouveau pacte fiscal de l’UE, et qu’une union fiscale avec mutualisation de la dette à travers des eurobonds devrait être établie.
Il recommande également une union bancaire totale, qui commencerait par une garantie des dépôts à l’échelle de l’Union, en parallèle à un renforcement de l’intégration politique, et ce même si la Grèce sort de la zone euro.
Et l’économiste d’attaquer directement la politique menée par Angela Merkel : « malheuresement, l’Allemagne résiste à toutes ces mesures clés, obsédée qu’elle est du risque de crédit auquel ses créanciers seraient exposés dans le cas d’une plus grande intégration économique fiscale et bancaire. En conséquence, la probabilité d’un désastre de l’eurozone s’accroit. »

Pour réagir à cette prédiction alarmiste, Atlantico a interrogé Ludovic Subran, chef économiste chez Euler Hermes.

Que pensez-vous des nouvelles prévisions de Nouriel Roubini ? L'année 2013 sera-t-elle celle d'une crise globale?

Ludovic Subran : A son habitude, Nouriel Roubini dépeint avec beaucoup de talent les déboires de l’économie mondiale. Une Cassandre des temps modernes, son credo est simple : toujours prévoir le pire, il est ainsi sûr de ne pas se tromper… Même si dans les faits, entre temps, le monde change, et ses chiffres et recommandations avec ! 
En effet, personne n’est dupe sur la situation politico-économique difficile dans laquelle l’Europe se trouve, ou sur les risques de ‘falaise fiscale’ aux Etats Unis des 2013, ou encore sur ceux de l’éclatement de la bulle immobilière en Chine. Et pourtant, j’aime a croire (et a démontrer) que les limbes européennes devraient connaitre une issue favorable (chaotique mais favorable!), que les Etats Unis gèreront leur reprise fragile avec le pragmatisme qui leur est cher, ou encore que la Chine saura endiguer à travers son appareil productif a toute épreuve, sa légère surchauffe. Alors c’est vrai, à court terme, on doit s’attendre à un passage (obligé) difficile: décélération de la croissance mondiale, récession en zone euro,  etc. 

Roubini pointe le manque de marge de manoeuvre pour venir en aide aux pays endettés en zone euro. A-t-on épuisé toutes les solutions ?

Le cœur est à l’ouvrage et comme le montre la gestion par tâtonnements de la crise de la zone euro, il suffit parfois de peu pour calmer le sensationnalisme qui prévaut sur les marchés."
Je crois sincèrement par exemple, que la Grèce restera dans la zone euro, il suffira, au bout du bout, de se mettre d’accord sur une rallonge budgétaire a objectif de croissance et un effacement en partie de la dette, peut être au club de Paris ? Et je pourrais décliner cet optimisme, avec la même rigueur macroéconomique (et une analyse post-mortem systématique de mes dires et de mes chiffres, ce que Nouriel fait peu…) sur le reste du monde.


La vraie question cependant, qui génère ce déversement de matière grise de la part des économistes, et a laquelle feu Elinor Ostrom avait partiellement répondu est la suivante : pourquoi l’action collective et les institutions prennent autant de temps pour résoudre un conflit (ici économique) ? Une question qui résonne encore davantage ces jours ci, lorsqu’ autant de G20 défilent sur la philosophie d’action de la BCE, alors que des milliers d’entreprises font faillite en Europe - et des centaines de millions d’enfants développent des carences nutritionnelles en Afrique.



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