Dimanche 10 juin, 19 heures. Le premier chiffre connu du premier tour
est celui de l'abstention : 42,78%, un record absolu pour des élections
législatives sous la Ve République. C'est peu de dire que la campagne
des législatives n'a pas soulevé les foules, après une participation honorable à la présidentielle. On pourra relever le simplisme manichéen des arguments ("donner une majorité à François Hollande" versus "ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier"), mais aussi l'absence de débat de fond, alors que la crise appelle des décisions cruciales pour l'avenir.
Il
faut dire que la présidentielle, ultra-médiatisée, est passée par là.
Puis, le président a été investi dans un faste quasi monarchique
couronnant de longs mois de campagne. Et voilà que démarrent cinq
nouvelles semaines de joute électorale. Or, le pays vit au rythme des
élections depuis plus d'un an, à l'époque où les socialistes préparaient
leur primaire et où DSK cherchait le meilleur moyen de démissionner du
FMI pour devenir candidat...
En plus de lasser le citoyen, cet
interminable tunnel a comme figé le cours normal des institutions. Le
Parlement ne siège plus depuis mars, rendant impossible toute nouvelle
loi, même consensuelle, comme celle contre le harcèlement sexuel.
Quant au nouveau gouvernement, il doit attendre plus d'un mois le
verdict des urnes avant d'entrer dans le vif du sujet... ou de faire ses
cartons.
Les fautifs : quinquennat et inversion du calendrier ?
Le
désamour des Français pour ces élections résulte aussi du passage de
sept à cinq ans du mandat présidentiel, adoptée par référendum en 2000.
Le quinquennat est devenu la seule unité de temps institutionnelle. Sauf
dissolution – devenue improbable – de l'Assemblée nationale, démission
ou décès d'un président de la République, jamais plus des élections
législatives ne viendront s'intercaler entre deux élections
présidentielles, comme ce fut le cas en 1967, 1968, 1973, 1978, 1986,
1993 et 1997.
Ce décalage des échéances rendait le scrutin
législatif identifiable. Il était celui par lequel on pouvait renforcer
ou défaire une majorité, conforter ou sanctionner un gouvernement,
lancer un avertissement au président, voire lui imposer une
cohabitation, comme en 1986, 1993 et 1997.
En 2002, deux ans
après l'adoption du quinquennat, un autre événement est venu saper la
portée de ces élections. Sous l'impulsion de Lionel Jospin, les
socialistes et quelques centristes dont François Bayrou ont voté le
report à juin des législatives qui devaient se tenir en mars. De sorte
qu'elles se produisent une fois passée la présidentielle. Résultat: les
élections de 2002 et 2007 ont confirmé le choix des Français un mois
plus tôt à la présidentielle. Dans les faits, les législatives sont
devenues une sorte de validation du scrutin présidentiel.
C'est
tout le paradoxe de la Ve République qui resurgit : celui d'un
gouvernement responsable à la fois devant le Parlement et devant un
président de la République élu au suffrage universel direct. "Les
attributions du président de la République s’exercent sans
contrepouvoirs suffisants et sans que la responsabilité politique de
celui que les Français ont élu pour décider de la politique de la nation
puisse être engagée", notait en 2007 le comité Balladur, chargé de plancher sur la réforme des institutions (voir PDF). Avec la concomitance des échéances, le régime se présidentialise encore un peu plus, au détriment du Parlement.
Faire coïncider les deux élections, une hypothèse "compliquée"
Pour
arracher les élections législatives au désintérêt qu'elles suscitent,
certains, comme l'écologiste Noël Mamère, proposent de faire coïncider
leurs dates avec celles de l'élection présidentielle. A l'Elysée, on
juge cette hypothèse "compliquée". L'écart entre les deux tours de la présidentielle est de deux semaines, tandis qu'il est d'une semaine aux législatives.
D'autre
part, même si c'est peu probable, on ne peut pas totalement exclure
qu'une dissolution ou un décès de président vienne à l'avenir chambouler
le calendrier. Mercredi, Jean-Marc Ayrault s'est dit favorable à un
raccourcissement du délai entre les deux élections plutôt qu'à un
scrutin le même jour, qui équivaudrait selon lui à un "vote dans le brouillard, dans l'inconnu".
L'entourage de François Hollande a fait savoir la semaine dernière que le chef de l'Etat souhaitait engager "à l'automne"
une consultation avec les chefs des partis politiques sur la réforme
des institutions. Outre le calendrier électoral, elle pourrait concerner
la procédure de parrainage pour l'élection présidentielle, le
financement de la vie politique, et l'instauration d'une dose de
proportionnelle pour élire les députés.
dimanche 17 juin 2012
Pourquoi les législatives posent problème
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