TOUT EST DIT

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samedi 29 octobre 2011

Ne pas décrocher


Ne pas décrocherPour Nicolas Sarkozy, cela devait friser l’overdose. Négocier avec les Allemands, et pas seulement avec la chancelière, n’est pas tout à fait la partie de campagne dont rêvent les socialistes. Entre la création, le 21 juillet, du Fonds européen de stabilité financière et le plan qui devait être annoncé ce mer­credi 26 octobre à Bruxelles, le président français et la chancelière allemande se seront rencontrés à sept reprises en tête à tête ou en session élargie.


Le 19 oc­tobre, à quatre jours du Conseil européen de Bruxelles, le président de la République négociait encore à Francfort, au moment même où son épouse, Carla, était en train de mettre au monde leur fille, Giulia. C’est dire si l’autre accouchement était difficile. Il paraît que les Allemands étaient exaspérés par cette présence inopinée du chef de l’État – et lui-même alors ! Une telle obstination à prolonger de quelques heures, de quelques jours, une négociation pied à pied n’avait d’autre justification que d’éviter absolument toute impasse.


Les marchés financiers y croyaient depuis quinze jours : ils attendaient un accord, en estimant que les Français et les Allemands n’avaient pas le choix. Ou alors, ce serait la déflagration : les investisseurs se seraient mis à attaquer brutalement nos titres. Pour comprendre, encore faut-il savoir ce que sont ces “marchés financiers”, leurs interrogations et leurs réactions. Si nous dépendons d’eux, c’est tout simplement que nous vivons à crédit.


Sous la IVe République, nos ministres des Finances se succédaient à Washington pour y chercher de quoi assurer nos fins de mois. Nous n’allons plus à Wa­shington, mais nous empruntons sur les marchés 220 milliards d’euros par an, ce qui représente trois fois le budget de l’Éducation nationale, quatre fois les cré­dits militaires. La dette nous coûte 50 milliards en intérêts. Or les deux tiers de ces emprunts sont détenus par des fonds étrangers.


Ces fonds, ce n’est pas de la finance virtuelle, des milliards qui se promèneraient ici ou là au gré des spéculations, c’est de l’argent très concret, celui de ­caisses d’assurances, de caisses de retraite, c’est le crédit qui fait tourner nos économies. Que veulent-ils ? Acheter de la sécurité, des placements sûrs. Les États européens ne faisaient pas faillite. Mais, depuis la crise grecque, ils peuvent faire faillite. Alors les investisseurs se tournent vers les gouvernements pour leur demander : quels engagements prenez-vous pour ne pas être en défaut de paiement, quelles garanties nous donnez-vous ?


Tout est là : si l’on soutient la Grèce, si l’on accepte de passer la moitié de sa dette par pertes et profits, ce n’est pas par philanthropie. C’est que, si nous ne le faisions pas, nos banques sauteraient sous les effets cumulés de la contagion qui gagnerait les autres dettes souveraines, nous dissiperions notre épargne en surpayant ce que nous devons emprunter. On peut toujours refaire l’histoire, regretter le franc, le “oui” à Maastricht, le temps de l’inflation et des dévaluations, nous n’échappons pas à nos responsabilités et à nos contraintes. La solidarité européenne en est une, elle passe par la solidarité franco-allemande.


Ce que l’on attendait de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel, ce n’était ni un compromis ni une pro­messe, mais de la détermination. La décision de transformer la gouvernance économique et financière européenne autrement qu’en la confiant au fantomatique M. Van Rompuy. Quand on crée un Fonds européen de stabilité, on ne peut plus attendre trois mois de délibérations et dépendre du vote slovaque, quelle que soit sa légitimité. Cette détermination nous est aussi nécessaire pour aller chercher en nous-mêmes les ressources de la compétitivité afin de cesser de perdre pied dans la concurrence mondiale.


Samedi dernier, Henri Guaino, le conseiller spécial du président de la République, était à Égletons, en Corrèze, sur des terres chiraquiennes devenues celles de François Hollande, pour y annoncer : « Après un long cycle d’endettement, un cycle de désendettement commence. » Propos qu’il accompagnait par cet avertissement : « Si rien n’est fait pour trouver des solutions raisonnables, c’est la colère des peuples qui dictera ses solutions déraisonnables. »


Le cycle du désendettement que la crise nous impose s’inscrit dans nos engagements budgétaires : 23 milliards d’économies cette année, 45 milliards l’an prochain et 58 l’année sui­vante. Il est en effet urgent de réduire une dépense publique qui dépasse les 56 % de notre production de richesses si nous voulons permettre à nos champions de respirer. Eux ont accompli ces restructurations que l’État commence à entreprendre. Ce n’est pas le mo­ment de décrocher.

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