TOUT EST DIT

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samedi 29 octobre 2011

Rien n’est jamais perdu

Dans une vie antérieure, j’ai été localier en Corrèze et je me souviens du discours de Chirac à Égletons, en 1976, pour le lancement du RPR. Le dégagement inopiné sur un “travaillisme à la française” avait surpris. Du temps s’est écoulé, Chirac a connu le destin que l’on sait et la Corrèze a renoué avec ses ancrages à gauche en se donnant à Hollande.

Les mannes de Queuille ne s’en plaignent pas. Henri Guaino, le conseiller de Sarkozy, a décidé de s’inviter dans la campagne présidentielle, jugeant peut-être que l’activisme des membres du gouvernement et des responsables de l’UMP manque de cohérence, de conviction et de panache. Le goût concomitant de la symbolique et de la bravade lui a suggéré de commencer sa campagne à Égletons précisément, au cœur de l’ancien fief de Chirac, dans le département où Hollande, lors des primaires socialistes, a réalisé des scores staliniens.

C’était ce samedi 22 octobre. Guaino m’ayant convié à titre amical, je l’ai rejoint d’autant plus volontiers que la rumeur ambiante promet une déroute à Sarkozy. Plus personne ou presque ne se risque à le soutenir, ce serait moche de le lâcher. Parmi les fidèles rassemblés autour du maire d’Égletons, Michel Paillassou et de rares élus “de droite”, j’ai reconnu quelques chiraquiens du temps jadis, venus sous le soleil d’automne entretenir les souvenirs d’un long printemps politique entre l’irruption sur nos arpents du jeune cow-boy pompidolien en 1967 et la prise de l’Élysée en 1995. Guaino savait bien que la Corrèze n’est guère sarkozyste, et pas très gaulliste non plus. Il n’en a eu que plus de mérite à se faire longuement acclamer, au terme d’un discours dont l’auditoire a apprécié l’altitude et la tonalité.

Pas de démago, pas de coups bas, juste un parallèle avec Guy Mollet pour camper Hollande en héritier de la SFIO de la basse époque plutôt que de Jaurès et de Blum. Exaltation des vertus “républicaines”, invocation de De Gaulle, de Malraux et de Péguy, défense du bilan de Sarkozy dont il a loué la perspicacité (crise de 2008), le courage (réforme des retraites), l’audace (Libye). Il a dénoncé l’irrespect vindicatif des médias et des politiciens, ce lynchage quotidien sans équivalent sous la Ve République. Guaino n’est pas stricto sensu un politique, et son naturel le porte à brûler ses cartouches. Il peut, il doit donner du souffle à la campagne car son lyrisme sonne juste et aucun discrédit ne le handicape. Il n’est ni usé, ni désabusé. En 1995 dans l’ombre de Chirac, en 2007 aux côtés de Sarkozy, son influence fut bénéfique. Elle le sera encore si les divers “entourages” ne lui tirent pas dans les pattes.

Le comportement de l’équipe de France face aux All Blacks en finale de la Coupe du monde devrait réconforter Sarkozy. Les joueurs et leur sélectionneur se chamaillaient à ciel ouvert comme font jour après jour les ténors de l’UMP. Contre les Tonguiens puis les Gal­lois, les tricolores ont été aussi calamiteux que l’en­semble des dirigeants de la majorité dans leurs joutes contre les socialistes. Les médias les ont vilipendés, l’opinion a pris ses distances. Les All Blacks avaient gagné tous leurs matchs depuis le début de la compétition, et réglé sèchement leur compte aux Australiens en demi-finale. Bref, la raclée semblait aussi inéluctable que la future déroute de Sarkozy face à Hollande, après ces vagues roses qui ont fini par déloger Larcher du Sénat. Or, Dusautoir et ses équipiers ont pris les Néo-Zélandais à la gorge dans leur antre d’Auckland ; ils auraient amplement mérité une victoire qui s’est refusée par pur caprice des divinités ovales. Humiliation, puis rédemption : ce scénario à la Dostoïevski trahit notre tempérament national ; nous sommes apathiques ou survoltés, misérables ou empanachés. Nos engouements ont la vie courte mais, grâce au ciel, nos désarrois aussi. Rien n’est perdu, surtout quand tout va de mal en pis.

Pendant plus de deux mois, six prétendants à la candidature présidentielle ont monopolisé la scène publique sans aborder la politique internationale, ni l’impact des flux migratoires sur l’avenir de la France. Rien sur l’Allemagne, rien sur la Grèce ; des vœux pieux sur la Chine et les pays émergents. C’était une compétition, soit, il fallait plaire en arrondissant les angles et sans afficher les détestations mutuelles. Mais alors, pourquoi ce délire unanime des commentateurs survalorisant ces “primaires citoyennes” jusqu’à les ériger en modèles de bonnes mœurs démocratiques ? Elles n’auront été qu’un jeu de la fortune télévisuel, ni plus ni moins captivant qu’un concours de beauté.

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